Les conséquences sur les salariés apparaissent à trois niveaux :
- lutte du personnel fixe pour garder ses acquis ;
- lutte des externalisés pour obtenir un salaire au-dessus de la survie ;
- lutte des précaires et sans papiers (de fait ou réels, c’est-à-dire dont les conditions de présence dans le premier monde sont conditionnés à tant de critères qu’ils sont expulsables et donc corvéables à merci).
L’urgence des demandes, des coups de main à donner vont se multiplier pour tous les syndicats. Comment pouvons-nous y répondre, avec nos idées anarchosyndicalistes (c’est-à-dire pour une organisation de la société à la base avec les syndicats comme garantie) ?
En nous adaptant à la demande des salariés en péril en offrant un soutien 8 h. par jour, 6 jours sur 7, avec évidemment une structure commune à plusieurs syndicats de la région parisienne. Cela suppose, bien entendu, un minimum de permanents techniques à plein temps, au moins dans deux domaines : le juridique et l’acheminement des demandes vers le secteur, les syndicats concernés.
L’autogestion, dans ce cas, se manifeste dans un cadre pratique pour les permanents techniques adopté en assemblées générales de nos syndicats, par des rapports et des demandes brefs et précis des permanents techniques communiqués à l’avance, par la consultation et l’intégration progressive de tous les participants intéressés par cette pratique.
En 1921, dans ¿Sindicato único ? (Orientaciones sobre organización sindical), Ángel Pestaña (1) ecrit :
"De tous les problèmes qui se posent dans les syndicats, celui des permanents ou des individus rétribués pour l’administration et le secrétariat [des syndicats] est peut-être celui qui entraîne les difficultés les plus sérieuses et les plus graves. [...] L’expérience d’autres pays doit nous servir de guide, pour ne pas entretenir avec nos centimes si durement réunis l’animal nuisible qui nous dévore : le bureaucrate.
Comment éviter l’inconvénient, en brisant le cercle vicieux où la nécessité nous enferme ? En changeant le système utilisé dans les autres pays. Le permanent est toujours le secrétaire général du syndicat, qui est chargé de son organisation et de sa direction ; il en devient le bon dieu.
La méthode que nous devons accepter, puisque nous ne pouvons nous passer de permanents, c’est qu’ils soient seulement des employés, dans le sens strict du mot. Sans droit à la parole et sans droit de vote dans les réunions de Comité [comprendre le Bureau d’une fédération], il y assiste pour prendre les notes et exposer son opinion quand on la lui demande. Il doit être un fonctionnaire, rien qu’un fonctionnaire.
Le secrétaire général, comme le trésorier, comme tous ceux qui forment le Comité, doivent travailler, aller tous les jours à l’atelier, pour ne pas perdre le contact avec les ouvriers et de plus démontrer qu’ils ne vivent pas des cotisations du syndicat. Et si quelqu’un touche un salaire à partir des cotisations, ce n’est précisément pas le Comité, mais un compagnon employé, parce que les circonstances l’exigent, mais sans influence sur les décisions du syndicat.
On doit en faire autant dans la Fédération locale et dans la Confédération régionale.
Dans la Confédération nationale ce procédé est plus difficile à appliquer : mais, en revanche, on doit renouveler le Secrétaire général à chaque Congrès, sans que le précédent puisse être réélu deux fois consécutives, sauf de façon alternées. Le danger, dans ce cas, est bien moindre, et on doit accepter d’accumuler tous les obstacles pour l’éviter ou le freiner, puisqu’il n’est pas possible de le supprimer.
90 ans plus tard, au regard des situations et de l’organisation syndicale nécessaire, nous sommes assez d’accord avec Pestaña. Et puis, la question n’est pas tant de savoir si un syndicat peut avoir un permanent ou embaucher un salarié, mais plutôt de savoir comment il le gère pour qu’il n’outrepasse pas sa mission…
(1) Pestaña, ¿Sindicato único ? (Orientaciones sobre organización sindical)
[Syndicat unique ? (orientations sur l’organisation syndicale)], Madrid, 1921, pp. 19-21, dans Mintz Autogestión y anarcosindicalismo en la España revolucionaria, Madrid, 2006, pp. 41-42 ; Buenos Aires, 2009, pp. 27-28.)