Abaya ! Abaya ! Le mot sonne comme une comptine que l’on chanterait, abaya, abaya…. En rythme. Mais dans mon esprit, il chante triste.
En 1968, pour nous faire rentrer dans le rang au lycée en septembre, on nous abolit la blouse, beige une semaine, bleue une autre semaine, avec nos noms brodés dessus. Nous avions, par nos grèves et autres insurrections, gagné le droit de nous vêtir à notre goût, en civils, que nous étions.
Aujourd’hui, on envisage en France l’idée d’en venir à des uniformes, massivement répandus dans les pays anglo-saxons, en tous cas au Royaume uni et dans es ex-colonies, pour tous les collégiens et lycéens.
Ainsi, nous n’aurions plus en France, à statuer sur le droit ou le non-droit de porter des vêtements religieux dans les écoles de la république, voire des vêtements folkloriques, passons…Tout le monde serait par définition uniformisé pour entrer dans les écoles publiques de France.
Loin de goûter cette exception européenne, certains et certaines tentent de détourner le message universaliste de l’école française, en insistant pour désigner explicitement des différences et distinctions de tout ordre, mais plus précisément de nos jours, d’ordre religieux musulman, dans l’école publique. Au lieu de se réjouir qu’en France, tout le monde peut bénéficier de l’école publique et gratuite voilà que d’aucuns, quantitativement peu nombreux mais médiatiquement visibles, espèrent détourner l’école de la république de ses racines originelles, en créant entre les collégiens et lycéens des écarts dus à des appartenances privées, personnelles. Ce disant, je ne fais rien d’autre que de défendre la loi de 1905 de la Laïcité et de séparation de l’église et de l’état. On pourrait même imaginer que la lutte contre la république laïque française, fait partie d’une lutte plus vaste pour la suprématie fasciste dans le monde, où l’insistance de la France avec son fétiche laïc fait tâche : on se demande pourquoi ce si petit pays insiste tant pour conserver sa singularité dans un océan de conservatisme pieux dans le monde.
Alors ainsi, des adolescentes souhaiteraient entrer dans leur école de quartier, déguisées de la tête aux pieds d’un grand sac prétextant qu’il respecte leur pudeur en cachant leurs formes ! Alors de plusieurs choses, l’une : il y a des écoles privées pour ça, car en république laïque, il n’est constitutionnellement pas possible d’afficher des signaux religieux ostensiblement. Les écoles privées sont autorisées en France pour toutes sortes de tendances, les écoles de pédagogie active par exemple, comme Montessori sont privées, l’école Alsacienne est privée, et maintes écoles catholiques sont privées. Le désir d’afficher son appartenance religieuse à l’école en portant une abaya, dont certains précisent en outre qu’elle n’est pas un vêtement religieux, mais « traditionnel » de certaines régions du monde, peut parfaitement se réaliser au sein d’écoles privées.
Je suis opposée en tant que féministe universaliste à toute instrumentalisation du corps des femmes dans des buts oppressifs, et de ce fait je suis solidaire de toutes nos camarades et amies des pays de par le monde qui luttent contre tous les interdits religieux qui leur sont faits, juste pour se garantir un espace de pouvoir sans partage sur la terre. Celles et ceux qui sont en taule, qui risquent la flagellation, la lapidation, la pendaison, pour fait d’apostasie, ou de simple choix vestimentaire non religieux, voire d’orientation sexuelle. Là sont nos amis qui attendent nos soutiens.
Comme anarchiste, je n’ignore pas que toute répression est la plus mauvaise réponse faite à une déviance, et que par conséquent, interdire l’abaya dans l’école, c’est d’un certain point de vue, renforcer son prestige caractériel auprès des adolescentes.
Il n’en demeure pas moins : que les familles et les élèves choisissent, ou bien l’école de la république, sans abaya, ou bien qu’elles aillent où elles veulent ! Ni dieu ni maitre.
Claire Auzias, septembre 2023.
Post-scriptum : Le croirez-vous ? ce texte a été refusé par des « féministes » et par des « anarchistes » !!!