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La rhétorique d’inversion, la plus belle trouvaille islamiste



jeudi 17 mai 2018,


Contribution


Réflexions

Une réflexion sur la rhétorique d’inversion, naïvement adoptée par leurs soutiens.


Reprise d’un article original de Naëm Bestandji, militant laïque et féministe. [1]



Les Frères Musulmans, rejoints plus tard par les néoracistes que sont les racialistes, usent depuis plus de 25 ans de ce que j’ai nommé la "rhétorique d’inversion". Ils instrumentalisent des valeurs et concepts (Droits de l’Homme, féminisme, démocratie, laïcité, etc.) pour les redéfinir à leur convenance afin, ensuite, de mieux les retourner contre la République. L’intérêt est double.

Leur approche identitaire et essentialiste, leur vision totalitaire du monde, des mœurs, de la "race", du "eux" et "nous", leur rejet de la laïcité qu’ils instrumentalisent, la place prédominante qu’ils veulent accorder à la religion dans les affaires publiques et politiques, leur populisme qui utilise les mêmes codes que l’extrême droite traditionnelle, l’antisémitisme de nombre d’entre eux dont l’histoire et les références sont fortement liées au nazisme, les classent à l’extrême droite de l’échiquier politique. La rhétorique d’inversion masque cela. Son premier intérêt est de rassurer et séduire.

L’universalisme, l’égalité entre tous les êtres humains et l’émancipation individuelle leur donnent de l’eczéma, mais c’est à la société qu’ils passent de la pommade à travers des expressions humanistes qu’ils instrumentalisent. Nous retrouvons cette rhétorique d’inversion déclinée dans différents thèmes. Ces racistes deviennent des "militants antiracistes", le sexisme religieux se déclare "féministe", les islamistes rejettent la laïcité et la liberté de conscience mais se présentent comme défenseurs de la "vraie laïcité" ou de la "laïcité ouverte". Ils nous proposent d’accepter l’imposition de leurs valeurs rétrogrades et totalitaires par un autre concept qu’ils récupèrent et inversent : le "vivre ensemble" (qui est en réalité le "vivre dans leur ensemble").


Pour une partie de la société, les islamistes et indigénistes ne pourraient pas être si extrémistes que cela puisqu’ils affirment être antiracistes, féministes, pour la laïcité et le "vivre ensemble". Ils rassurent. Elle voit en eux une sorte d’antidote aux autres islamistes qui s’affichent comme tels. Les Frères Musulmans, par une vraie stratégie politique efficace, sont perçus comme de simples musulmans face aux salafistes qui, trop francs dans leurs intentions et dont la politique leur importe peu, font peur et passent pour des "fous de Dieu".
Le CCIF, association prônant l’intégrisme des Frères Musulmans, a fait de l’inversion un art. Il se présente comme défenseur de la laïcité et de la loi de 1905 tout en étant leur adversaire. Il transgresse par exemple allègrement cette loi, notamment l’article 26, en ayant tenu de nombreux meetings politiques dans des mosquées. Il prétend également défendre la liberté de conscience. Mais cela ne concerne que la liberté d’être intégriste. Les musulmans qui rejettent cet intégrisme ou, pire encore à leurs yeux, ceux qui apostasient, sont qualifiés par le CCIF et leurs partisans de "néoharkis", de traîtres, "d’islamophobes".


Ce désir de rassurer et séduire ne peut être efficace sans l’autre volet : la victimisation et la culpabilisation. La racialisation de l’islam permet cela. Elle vise à faire de l’adhésion à une religion une appartenance à un peuple. Le musulman devient le Musulman. Les islamistes se présentant comme de simples croyants, toute critique à leur encontre serait une attaque contre l’ensemble des musulmans. Toute crainte et critique de l’islam (l’islamophobie), y compris celle d’une idéologie totalitaire et raciste (l’islamisme), peuvent ainsi être accusées de racisme. Le terme "islamophobie" en devient un synonyme et marque une des plus belles réussites de la rhétorique d’inversion. Grâce ou à cause de cela, une partie des citoyens qui n’a aucun mal à critiquer le catholicisme et dénoncer sa frange intégriste, hésite voire refuse d’avoir la même attitude avec l’islam par crainte d’être perçue comme raciste. D’autres sont même séduits et n’hésitent pas à soutenir les islamistes et indigénistes au nom de la lutte contre les discriminations.
Les premières victimes de cette stratégie sont les musulmans dans leur ensemble. La racialisation de l’islam essentialise l’individu. Il ne peut plus choisir sa foi et encore moins de ne pas en avoir. Il est assigné à résidence. Toute tentative "d’évasion" sera considérée comme une traîtrise par une bonne partie de ses coreligionnaires. Un musulman sera même accusé "d’islamophobie" s’il tente de critiquer les intégristes, comme nous l’avons vu avec le CCIF. Cette racialisation qu’il faut rendre identifiable, non pas par la couleur de la peau mais par des vêtements et des comportements, sert également l’extrême droite traditionnelle dont l’intérêt est de diffuser une image effrayante de tous les musulmans. En cela, les Indigènes de la République, des prédicateurs tels que Tariq Ramadan, le CCIF et autres Lallab sont d’excellents fournisseurs de voix pour le Front National.

Un élément résume la rhétorique d’inversion. Il concentre à lui seul toute la stratégie des islamistes et les confusions entretenues. C’est le port du voile. En dehors du temps de la prière, le voile n’a jamais eu de fonction ou de signification spirituelle. Il n’a rien de religieux. Il n’a pas été pensé pour ça. Sa seule raison d’être est un sexisme basé sur une conception moyenâgeuse des femmes : contrôler la libido masculine et tous les problèmes sociétaux par le bâchage de l’objet de tentation que serait le corps féminin.

Par leur obsession sexuelle, leur sexisme maladif, le corps des femmes est le principal champ de bataille et la première arme politique des islamistes, soutenus par les indigénistes, une partie perdue de la gauche et même des féministes. Le voile est leur cheval de Troie.

Patriarcales par essence, les religions ont toujours été combattues par les féministes. Du XIXe siècle à nos jours, ces dernières ont dû affronter leurs représentants politiques et cléricaux pour faire avancer leurs droits et leurs libertés. Elles ont toujours refusé de passer par la lessiveuse du diktat religieux pour définir ce qu’est le féminisme.

Avec l’islam politique, les choses ont changé. Les Frères Musulmans n’usent pas des mêmes méthodes que leurs confrères intégristes catholiques. La rhétorique d’inversion désactive les signaux d’alerte et rend aveugle. Une partie de la gauche et des féministes est séduite par le "féminisme" islamiste. La cause des femmes est devenue secondaire au profit de la racialisation de l’islam : il ne faudrait pas critiquer le voile et son sexisme par crainte de "stigmatiser" LES Musulmans. Les musulmanes qui refusent le voilement sont ainsi perçues comme moins pieuses, voire comme des traîtresses ou "islamophobes" lorsqu’elles militent pour le dénoncer. Ce qui pousse certaines d’entre elles qui désirent être de "bonnes musulmanes" à faire le "libre choix" du port du voile. Par cette essentialisation, des féministes militent justement pour ce "libre choix" au profit de la frange radicale et sexiste d’une religion et au détriment de toutes les femmes. L’islam étant transformé en ethnie, toute critique du voile sera considérée comme raciste. C’est une inversion totale lorsqu’on sait que le voile n’a de raison d’être que pour stigmatiser, discriminer et hiérarchiser une partie de l’humanité. Ce qui est la définition du racisme.
Le voile fait partie des attributs vestimentaires inventés par l’homme pour marquer l’infériorité d’un groupe humain, les femmes. Créé dans l’antiquité, il est le plus ancien marqueur discriminant. Il est aussi le mieux protégé grâce au vernis religieux et "culturel" posé par les intégristes. Le racisme et les stéréotypes basés sur le sexe sont plus acceptés que les autres, qu’on soit croyant ou non. Le voile parait ainsi moins choquant que d’autres attributs discriminants. C’est bien la dénonciation de ce racisme sexuel à travers son marquage vestimentaire qui est accusée de racisme par les intégristes musulmans, accusation reprise en chœur par leurs soutiens dont des féministes… Nous sommes toujours dans la rhétorique d’inversion.
Enfin et surtout, contrairement à d’autres critères discriminants, cette infériorisation basée sur le sexe est intégrée par nombre des personnes concernées qui en deviennent elles-mêmes les promotrices. Cela est rendu possible par la présentation d’un faux choix : être une femme bien ou une "pute", plaire ou déplaire à Dieu, le paradis ou l’enfer. Une femme serait ainsi libre de ne pas se voiler, d’exciter les hommes et d’aller brûler en enfer, tout comme elle serait libre de choisir le bon chemin tracé par Dieu, de "se respecter" et d’aller au paradis. Tel est le choix proposé. La voix des islamistes est si forte que tout discours théologique différent, toute démonstration prouvant que le voile ne relève pas du dogme musulman, sont disqualifiés, parfois violemment. Avec de telles propositions et l’absence d’un contre-discours théologique, que va choisir une musulmane sensible à ces propos ?... La loi des hommes, et les principes universalistes, pèsent peu face au châtiment divin brandi par les intégristes. C’est ce que les islamistes et leurs soutiens nomment le "libre choix". Cela explique la motivation de certaines femmes à se voiler contre vents et marées qui passe pour une force de caractère face à une société qui serait intolérante. Cela est aussi rendu possible par une autre inversion. La femme est un objet sexuel pour les islamistes, mais on la présente comme un objet précieux. Le voile devient un outil de "protection" et de valorisation.
Une contrainte plus ou moins subtile, non visible ou non explicite, ne signifie pas qu’il y a absence de contrainte. Le fait d’avoir choisi le sexisme et la servitude volontaire ne confirme en rien un réel libre choix.

Cerise sur le gâteau, le voile devient même un outil identitaire du "peuple musulman" qui reposerait sur les femmes. L’intransigeance d’une partie des femmes voilées dissimule les raisons d’être du voile et inverse son image aux yeux de certains. Grâce à la rhétorique d’inversion, le sexisme islamiste se transforme en "féminisme islamique", le (partiel) rejet de la mixité devient une forme de rébellion féministe, la mode sexiste du voilement devient la "mode pudique", leur auto-discrimination devient une discrimination de la société.

Revendiquer le sexisme comme une forme de féminisme est une inversion conceptualisée par les Frères Musulmans. Jusque-là, les islamistes justifiaient le port du voile comme une opposition au concept de féminisme et une valorisation des traditions patriarcales. En France, l’UOIF avait créé la Ligue Française de la Femme Musulmane dans le but de convaincre les musulmanes de se voiler et de s’opposer aux féministes, non pas frontalement, mais par un discours "féministe" alternatif à la fois séduisant et culpabilisant qui les désarmerait. D’autres associations ont depuis pris le relais. Les islamistes ont compris qu’il n’y a rien de plus efficace pour lutter contre le féminisme que de se prétendre féministe.

Leur stratégie est si bien pensée qu’ils ont réussi à combiner leur "féminisme" et l’aspect identitaire. Le sexisme en publicité est leur support préféré.
Ils l’utilisèrent pour la première fois dans les années 1990, à travers une publicité mettant en scène une femme nue pour vendre un yaourt Danone. Cette pub n’est plus diffusée depuis 25 ans. Mais elle leur sert encore d’argument aujourd’hui.


Ils extrapolent au maximum ce sujet pour en faire une dénonciation du mode de vie occidental (la liberté pour les femmes de disposer de leur corps, les décolletés et vêtements qui seraient trop courts, les maillots de bain, leur indépendance au détriment de leur rôle "naturel" d’épouse et de mère, la trop grande mixité homme/femme, etc). En pointant ce mode de vie, ils opposent la culture française et l’islam. Ce mode de vie serait français, pas musulman. Pourtant, la France est le pays des musulmans à qui ils s’adressent. Mais ils désignent "eux" et "nous". Nous retrouvons ici la racialisation de l’islam. Ils créent une opposition entre la citoyenneté et le choix (rigoriste) religieux. Si la femme musulmane ne veut pas être un objet sexuel, si elle ne veut pas être impudique comme les femmes de culture française, alors elle ne doit pas "se soumettre à ce mode de vie", comme l’a déclaré le CCIF [2]. Elle doit faire le choix de la (vraie) pudeur. Autre discours culpabilisant pour laisser aux femmes musulmanes le "libre choix" entre "l’impudeur" des femmes de notre société et la "pudeur islamique". Ceci dans un seul but : faire la promotion du voile, pour se démarquer et se protéger de cette décadence au profit du rôle spécifique qu’est censé avoir la femme musulmane. Voile qui fait pourtant de la femme un objet sexuel bien plus encore que le marketing sexiste.

Il est vrai que dans les deux cas (le marketing sexiste et le voile) on chosifie la femme. Mais la comparaison s’arrête là. La pub sexiste est considérée par les féministes comme un dérapage qu’il faut stopper car dégradante pour l’image de la femme. Idée globalement admise aujourd’hui par la société. Ce qui poussa, à l’époque, Danone à retirer sa publicité. De plus, elle n’a pas vocation à pousser les femmes à se mettre systématiquement nues pour manger un yaourt, que ce soit en privé ou en public. Et encore moins à pousser toutes les femmes à se mettre nues pour en vendre.

Le voile, lui, n’est pas considéré comme un dérapage sexiste par les islamistes mais comme une norme devant se standardiser pour toutes les musulmanes vertueuses, en privé (si elles sont en présence d’un homme qui n’est pas leur mari ou de leur famille) et en public. Par ce voile, elles deviennent des objets. La pureté et la vertu ne concernent que leur corps et leur sexualité. Leurs qualités humaines et leurs compétences sont secondaires. Ce qui se passe entre leurs cuisses est plus important que ce qui se passe dans leur tête ou dans leur coeur. La réputation, que seules les filles et non les garçons portent sur leurs épaules, est un des baromètres mesurant tout cela. Il faut cacher leur peau et leurs cheveux car les musulmanes seraient responsables de la tentation de leurs bourreaux potentiels. Elles sont des objets sexuels qu’il faut protéger de la convoitise en les empaquetant derrière un voile.

D’un côté nous avons le refus des pubs sexistes par une part toujours plus grande de la société qui les considère comme négative pour l’image de la femme. De l’autre nous avons la promotion du voile, symbole du sexisme, par les islamistes qui chosifient la femme à l’extrême en en faisant un objet sexuel par essence, et qu’ils considèrent comme positif pour l’image de la femme musulmane. En reprenant à leur compte la lutte contre le sexisme en publicité, ils ont inversé les perceptions : la société française ferait de la femme un objet sexuel. L’islam, par le voile, serait le meilleur outil contre cela. Le voile deviendrait une forme de féminisme…

Les intégristes ont également compris qu’investir le féminisme n’est pas suffisant. Pour faire oublier sa raison d’être, il fallait donner l’illusion que le voile est un vêtement confessionnel. Sa discrimination raciste et sexiste passe ainsi pour une innocente pratique religieuse telle que le port d’une croix. Or, depuis quand la croix est un outil de "pudeur" réduisant la personne qui le porte à un objet sexuel devant être caché pour ne pas susciter l’excitation d’autrui ? La croix n’a aucune fonction de régulation des rapports entre les sexes ni de chosification et d’infériorisation des femmes.

La laïcité est un véritable problème pour les intégristes de toutes les religions. Contrairement aux autres, les Frères Musulmans ont fait le choix judicieux de ne pas lutter frontalement contre la laïcité. Le combat serait perdu d’avance. Ils ont choisi de l’instrumentaliser pour, là encore, inverser les perceptions et les rôles : les intégristes musulmans seraient les premiers défenseurs de la "vraie" laïcité. Ce terrain leur est ainsi bien plus favorable que celui de l’égalité des sexes. Faire croire que le voile est la manifestation d’une expression religieuse devient plus facile à défendre que sa réalité sexiste et patriarcale. Leur bataille contre la loi de 2004 en est le coeur. Cette loi protège les enfants de l’entrisme du prosélytisme religieux à l’école. Elle protège aussi les jeunes filles du sexisme du voile en tentant de leur montrer qu’être non voilées en société n’a rien d’impudique, tout en leur laissant la possibilité de se voiler en dehors de l’établissement. Le libre choix de la future citoyenne se forge comme cela. Or, les islamistes inversent la situation. Leur critique de la loi de 2004 cache leur désir de bâcher les petites filles pour les habituer au sort qui les attend et désactiver tout processus de décision librement choisi une fois adulte. Il présentent cette loi comme anti laïque car elle briderait la liberté religieuse individuelle (une "liberté individuelle" construite par des collectifs prosélytes)... Toute personne qui les attaquerait sur ces thèmes sera accusée d’opprimer la liberté des musulmanes voilées, de dévoyer la laïcité, voire accusée de fascisme (un comble pour une idéologie totalitaire). "L’islamophobie" en est la redoutable arme politique.

Par son féminisme sexiste, Rokhaya Diallo est actuellement une des militantes les plus en pointe dans la promotion du voile. Elle milite depuis toujours pour la "liberté" du bâchage des femmes. Ayant peu d’arguments de fond, elle reste à la surface du sujet sans jamais entrer dans les détails qui mettraient à mal son discours. Elle utilise deux moyens pour combler ses lacunes : la disqualification de ses interlocuteurs et des formules marketing en usant elle aussi de la rhétorique d’inversion.

Pour éviter de répondre sur le fond face à un homme, elle le renvoie à son pénis. J’en ai fait les frais. Selon elle, en tant qu’homme je n’aurais aucune légitimité à critiquer son soutien au sexisme du voile. Ce serait une façon de dicter aux femmes leurs tenues vestimentaires. Pourtant, le voile a été inventé et prescrit par des hommes. Les théologiens, prédicateurs et imams qui le recommandent sont tous des hommes. Les justifications sont elles aussi tournées uniquement vers les hommes : contrôler la libido masculine par le bâchage de l’objet de tentation. Le voile fait partie du système de domination qu’on appelle "patriarcat". Si aucun homme ne prescrivait le voile, aucune femme ne le porterait. Mais les critiques de Rokhaya Diallo ne sont jamais tournées vers les voileurs, uniquement vers les hommes qui les dénoncent.

Quant aux femmes qui critiquent le voile, sa réponse est toute trouvée : elles sont des féministes "blanches" racistes par essence ou, au mieux, néocolonialistes avec leur concept "occidental" du féminisme. Et les musulmanes qui luttent contre les islamistes et le voilement ? Elle n’en parle jamais.

Lorsqu’elle effleure le terrain des arguments, ses formules relèvent plus du slogan politique et publicitaire que de la réflexion intellectuelle. Elle déclare ici être pour la liberté de porter ou non le voile. Elle déclare là, en répondant à un de mes articles, que le voile serait un marqueur de féminité comme la jupe ou les talons aiguilles (ce qui n’a aucun rapport). Son plus beau slogan marketing est le terme "pro choix". Je l’avais lu pour la première fois chez les promotrices du féminisme des Frères Musulmans, l’association Lallab. Ce comble du cynisme n’est pas un hasard. Elles récupèrent le terme cher aux féministes, slogan dans leur lutte pour le droit à l’IVG. Cette expression résonne dans l’inconscient des français et émeut les partisans de ce droit. Rokhaya Diallo et Lallab le récupèrent pour, là aussi, le détourner, l’inverser et le renvoyer à la société pour créer la confusion dans les esprits. Elles font passer la conquête d’un droit à la liberté de disposer de son corps à travers l’autonomie émancipée de tout dogme religieux et patriarcal, à l’illusion d’une liberté imposée par le patriarcat qui rejette cette autonomie dans sa forme la plus sexiste qui soit. Le bâchage des femmes par injonction d’hommes pour ne pas les exciter sexuellement, et définir la femme "respectable", devient comparable au droit à l’IVG qui permet aux femmes d’avoir une vie sexuelle autonome. Ainsi, lorsque Rohhaya Diallo prononce la formule "pro choix", chacun a en tête le féminisme qu’il associe au voile. Nous retrouvons dans cette récupération les objectifs de la rhétorique d’inversion. Elle tente de rassurer et séduire en comparant le voile à l’IVG. En même temps, elle tente de victimiser les "pro voile" et culpabiliser les féministes : lutter contre l’idéologie du voilement serait comme lutter contre le droit à l’IVG, donc de l’anti féminisme. C’est bien trouvé.

Un "libre choix" qui ne va évidemment que dans un sens. Madame Diallo brandit toujours la "liberté de se voiler" lorsque se manifestent des opposants à l’idéologie véhiculée par le voile. Mais elle n’a jamais dénoncé les prédicateurs et autres intégristes qui expliquent que le voile serait une obligation pour toute musulmane qui se respecterait. Le simple fait de signaler le sexisme du voile est accusé de vouloir l’interdire dans l’absolu. En revanche, les discours des prédicateurs sur l’obligation du port du voile sont perçus comme un "cheminement spirituel" menant vers le "libre choix". C’est la rhétorique d’inversion dans toute sa splendeur. Défendre un seul type de choix n’a jamais été la définition du "libre choix" ou de "pro choix". Si nous ramenions cela à l’IVG, c’est comme si on déclarait défendre la liberté de choisir ou non l’IVG sans jamais soutenir les femmes qui souhaiteraient avorter, tout en soutenant les associations anti-IVG…

Cette rhétorique d’inversion a ses limites. Si Rokhaya Diallo et autres Lallab utilisent tous les jours le terme "liberté", elles utilisent à dose homéopathique le terme "égalité". Pourquoi ? Parce que la liberté peut inclure la servitude, l’égalité la rejette. On peut choisir la servitude volontaire, l’égalité y est opposée. On peut brandir le voile comme une liberté de le mettre. On ne peut pas l’invoquer comme une forme d’égalité avec les hommes.

Malgré ces limites, la rhétorique d’inversion est la plus belle trouvaille des islamistes, naïvement adoptée par leurs soutiens.


Article original de Naëm Bestandji, militant laïque et féministe.
Source : https://naembestandji.blogspot.fr/


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