Guerre en Ukraine, 10 enseignements syriens

De la Syrie à l’Ukraine : Pistes de réflexion pour résister à l’invasion Russe

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Publié le : Mis à jour : 10/07/23

Avant propos. Vous trouverez ci-dessous un texte rédigé à l’origine par des membres du collectif Crimethinc. Par rapport à la version originale [1], nous avons procédé à un certain nombre de modifications, comme la suppression des occurrences de la grotesque et détestable écriture dite "inclusive", et revu les quelques références au "progressisme", que nous considérons comme une simple variante de l’idéologie capitaliste. Nous avons également procédé à quelques corrections stylistiques.

Ces modifications ne devraient pas occulter notre accord de fond avec ce texte de toute évidence rédigé par des gens que nous considérons comme des camarades.

En mars 2011, des manifestations se sont déroulées (à Deera) en Syrie, contre le dictateur Bachar Al-Assad. Pour réprimer le mouvement révolutionnaire qui prenait de l’ampleur, Al-Assad a déployé l’armée régulière ; pendant quelques jours, il semblait possible que le gouvernement soit renversé. C’est à ce moment-là que Vladimir Poutine est intervenu, ce qui a permis à Al-Assad de rester au pouvoir dans le sang, mais aussi à la Russie d’obtenir un point d’appui stratégique dans la région. Le texte ci-dessous est le produit du travail d’un collectif d’exilés syriens et de leurs camarades. Ils utilisent leurs expériences de la Révolution Syrienne pour réfléchir aux meilleures façons de soutenir la résistance à l’invasion en Ukraine et le mouvement contre la guerre qui s’organise en Russie.
Ces dernières semaines, l’attention du monde occidental était presque exclusivement concentrée sur l’Ukraine et la Russie, tout en faisant l’impasse sur le contexte mondial qui a rendu cette situation possible. Le texte qui suit propose une réflexion précieuse sur l’impérialisme, la solidarité internationale, et met en avant l’importance de l’analyse nuancée des luttes, qui sont complexes et contradictoires.

10 enseignements syriens

Nous savons que cela peut sembler difficile de se positionner dans un moment comme celui-ci. Entre l’unanimité idéologique des médias dominants et les voix qui relaient sans scrupule la propagande du Kremlin, on ne sait plus qui écouter. Entre une OTAN aux mains sales et un régime Russe criminel on ne sait plus qui combattre, qui soutenir.
Nous, participants et amis de la révolution syrienne, souhaitons défendre une troisième voie et proposer un point de vue basé sur les apprentissages de plus de 10 ans de soulèvement et de guerre en Syrie.
Clarifions tout de suite : nous défendons aujourd’hui encore la révolte en Syrie dans sa dimension de soulèvement populaire, démocratique et émancipateur, notamment incarnée par l’expérience des comités de coordination et des conseils locaux de la révolution. Si beaucoup l’ont oublié, nous affirmons que ni les crimes et la propagande de Bachar al-Assad ou de Poutine, ni ceux des djihadistes ne sauraient faire taire cette voix.
Dans ce qui suit, nous n’entendons pas comparer ce qui se passe dans les deux pays. Si ces deux guerres ont débuté par une révolte et si l’un des agresseurs est le même, les situations restent bien différentes. Nous comptons plutôt, à partir de nos apprentissages de la révolution et puis de la guerre en Syrie, proposer quelques pistes afin d’aider ceux et celles qui défendent sincèrement des principes émancipateurs à prendre position.

- 1 : Écouter les voix des premiers concernés par les événements.
Plutôt que les experts en géopolitique, écoutons avant tout la parole de ceux et celles qui vivent la guerre et ont vécu la révolution (Maïdan 2014), écoutons ceux et celles qui souffrent du régime de Poutine, en Russie et ailleurs depuis 20 ans. Nous vous invitons à privilégier les voix des gens et des organisations défendant, sur place, des principes de démocratie directe, de féminisme et d’égalité. Leurs positions en Ukraine et leurs demandes vis-à-vis de l’extérieur vous aideront à construire votre propre opinion.
Adopter cette approche vis à vis de la Syrie aurait permis de voir - et peut être de soutenir - les expériences d’auto-organisation impressionnantes et prometteuses qui ont fleuri dans tout le pays. De plus, écouter les voix venant d’Ukraine nous rappelle que toutes ces tensions ont débuté par le soulèvement de Maïdan. Ne faisons pas l’erreur de réduire la révolte populaire ukrainienne (aussi imparfaite ou « impure » soit elle) à un conflit d’intérêts entre grandes puissances comme cela a été fait à dessein pour la révolution syrienne.

- 2 : Se méfier de la géopolitique de comptoir.
S’il est certain qu’il est souhaitable de mieux comprendre les intérêts économiques, diplomatiques et militaires des grandes puissances, se contenter d’une lecture géopolitique de la situation a tendance à déconnecter du terrain. Cela pousse les gens normaux comme vous et nous à éclipser les protagonistes ordinaires du conflit. N’oublions surtout pas : ce qui va se passer avant tout, c’est que des gens vont souffrir à cause des choix de gouvernants qui prennent le monde pour un échiquier et pour un réservoir de ressources à piller. Cette vision est celle des dominants. Elle ne devrait jamais être utilisée par les peuples qui, selon nous, devrait se concentrer sur la construction de ponts entre eux et la recherche d’intérêts communs afin d’en finir avec un système capitaliste qui mène le monde à sa perte.
Cela ne signifie pas qu’il faille négliger tactique et stratégie, mais cela implique de le faire autrement. Nous sommes des acteurs politiques à part entière, capables d’exprimer des opinions ou des analyses politiques sur la situation dans leur propre pays comme c’est dit plus bas.

- 3 : N’accepter aucun tri entre bons et mauvais exilés.
Disons le clairement, l’accueil des réfugiés syriens en Europe fût souvent meilleur (mais tout sauf idéal) que celui des réfugiés d’Afrique subsaharienne par exemple. Les images de réfugiés noirs refoulés à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ainsi que les commentaires dans les grands médias privilégiant l’arrivée de réfugiés ukrainiens “de grande qualité” aux barbares Syriens ne sont rien d’autre que des preuves d’un racisme européen de plus en plus décomplexé. Si nous défendons un accueil inconditionnel pour les Ukrainiens qui fuient les horreurs de la guerre, nous refusons toute hiérarchisation entre les réfugiés.

- 4 : Se méfier de la position des médias mainstream.
Si, comme en Syrie, ils prétendent tenir une position humaniste, une bonne partie de ces médias risquent encore une fois de se limiter à une position victimisante et dépolitisante des Ukrainiens sur place ou en exil. On ne leur donnera la parole que pour parler de cas individuel, de fuite, de la peur des bombes, etc. C’est une position incapable de penser les Ukrainiens comme des acteurs politiques à part entière capables d’exprimer des opinions ou des analyses politiques sur la situation dans leur propre pays. De plus, ces médias risquent de défendre une position grossièrement pro-occidentale sans nuance, profondeur historique ou explication sur les intérêts des pays occidentaux, présentés comme des défenseurs du bien, des libertés ou d’une démocratie libérale idéalisée.

- 5 : Ne pas faire des pays occidentaux l’axe du bien.
Si ce ne sont pas eux directement qui envahissent l’Ukraine, privons nous de toute naïveté concernant l’OTAN et les pays occidentaux. Nous devons refuser à tout prix de présenter ceux-ci comme des défenseurs du “monde libre”. Rappelons, s’il le faut, que l’Occident a lui-même basé sa puissance (et continue de la faire) sur le colonialisme, l’impérialisme, l’oppression et la spoliation des richesses de centaines de peuples dans le monde entier.
Pour ne parler que du XXIe siècle, nous n’oublions bien sûr pas les désastres infligés par les invasions en Irak et en Afghanistan. Plus récemment encore, pendant les révolutions arabes de 2011, au lieu de soutenir les composantes démocratiques, l’Occident s’est soucié essentiellement de maintenir sa domination et ses intérêts économiques. Dans le même temps, il continue à vendre des armes et à entretenir des relations privilégiées avec des dictatures arabes et des monarchies du Golfe. La France y a même ajouté, avec l’intervention en Libye le mensonge d’une guerre pour des motifs économiques sous couvert de soutien au combat pour la démocratie, sans oublier toutes les affaires en cours de jugement pour corruption active ou passive, du temps de Kadhafi.
En plus de leur rôle à l’international, la situation à l’intérieur même de ces pays ne cesse de se dégrader : montée de l’autoritarisme, de la surveillance, des inégalités, et surtout du racisme.
Aujourd’hui, si nous pensons que le régime de Poutine représente une menace plus importante pour l’autodétermination des peuples, ce n’est pas que les pays occidentaux seraient devenus subitement “gentils” mais parce que les puissances occidentales n’ont actuellement plus autant de moyens pour maintenir leur domination et leur hégémonie. Nous restons bien entendu très réservés sur cette hypothèse car si Poutine était défait par les pays occidentaux, cela pourrait contribuer à leur redonner une vraie puissance. D’un autre côté, s’il était vainqueur d’une manière ou d’une autre de cette guerre, alors la situation ne serait pas meilleure pour les peuples du continent.
Nous conseillons ainsi aux Ukrainiens de ne pas compter sur la “communauté internationale” ou sur les “Nations Unies” qui, comme en Syrie, risquent de briller par leur hypocrisie et faire croire en des chimères.

- 6 : Combattre tous les impérialismes !
Le “campisme” : doctrine d’une autre époque qui consistait pendant la guerre froide à soutenir coûte que coûte l’URSS face aux autres États capitalistes et impérialistes pousse aujourd’hui encore, une partie de la gauche à soutenir la Russie de Poutine en Ukraine ou à relativiser la guerre en cours. Comme ils l’ont fait en Syrie, ils utilisent le prétexte que les régimes russe ou syrien incarneraient la lutte contre l’impérialisme occidental. Malheureusement, cet anti-impérialisme manichéen refuse de voir l’impérialisme chez d’autres acteurs qu’en Occident.
Pourtant il faudra bien qualifier ce que les régimes russe, chinois ou même iranien font depuis des années : étendre leur domination politique et économique dans certaines régions en dépossédant les populations locales de leur auto-détermination. Qu’ils choisissent le mot qu’ils veulent si “impérialisme” leur semble inadéquat, mais nous n’accepterons jamais l’euphémisation de la violence et de la domination infligées aux populations.
Plus grave encore, cette position pousse cette gauche à se faire le relais de la propagande de ces régimes jusqu’à virer dans le négationnisme en parlant de “coup d’État” pour qualifier Maïdan ou en niant les crimes de guerre perpétrés par l’armée Russes en Syrie. Cette gauche est allée jusqu’à réfuter l’utilisation de gaz sarin par le régime d’Assad, s’appuyant sur une méfiance (souvent légitime) envers les grands médias pour diffuser ces mensonges.
C’est une attitude méprisable et irresponsable quand l’on sait que la montée du conspirationnisme ne favorise jamais le camp de l’émancipation mais bien l’extrême droite et le racisme.
En Syrie, chauffés à blanc par des fantasmes suprémacistes et des rêves de croisade contre l’islam, la droite radicale avait déjà défendu Poutine et le régime syrien pour leurs prétendues actions face au djihadisme. Et ceci sans jamais comprendre la responsabilité du régime d’Assad dans la montée des djihadistes en Syrie.

- 7 : Ne pas renvoyer dos à dos l’Ukraine et la Russie.
En Ukraine, l’identité de l’agresseur est connue de tous.tes. Si l’offensive de Poutine répond à la pression de l’OTAN, elle est avant tout la poursuite d’une offensive impériale et contre-révolutionnaire. Après avoir envahi la Crimée, après avoir aidé à écraser les soulèvements [2] en Syrie (2015-2022), Biélorussie (2020) et au Kazakhstan (2022), Vladimir Poutine ne tolère plus ce vent de contestation - incarné par la destitution du président pro-russe pendant Maïdan - au sein de pays sous son influence et souhaite écraser toute velléité émancipatrice fragilisant son pouvoir.
En Syrie aussi, le responsable direct de la guerre ne fait aucun doute. Le régime syrien de Bachar al-Assad, en ordonnant à la police de tirer, d’emprisonner et de torturer les manifestants dès les premiers jours de contestation décida lui-même de déclencher une guerre contre la population. Nous aimerions (et aurions aimé) que les personnes qui défendent la liberté et l’égalité soient unanimes dans leur prise de position contre ces dictateurs qui mènent des guerres contre les peuples.
Si nous comprenons et rejoignons l’appel qui demande la fin de la guerre, nous le faisons sans ambiguïté sur l’identité de l’agresseur. Ni en Ukraine, ni en Syrie, ni nulle part ailleurs, il n’est possible de reprocher aux gens ordinaires le fait de prendre les armes pour essayer de défendre leur vie et celles de leur famille.
Plus généralement, nous conseillons aux gens qui ne savent pas ce qu’est une dictature (même si les pays occidentaux deviennent de plus en plus ouvertement autoritaires) ou qu’être bombardés, de s’abstenir de dire aux Ukrainiens - comme certains l’ont dit déjà aux Syriens ou aux Hongkongais - de ne pas solliciter l’aide de l’Occident ou de ne pas souhaiter la démocratie représentative comme système politique a minima. Car beaucoup de ces populations, déjà lucides sur les imperfections de ces systèmes politiques ont comme priorité, non pas de tenir une position politique irréprochable, mais plutôt de survivre aux bombardements du lendemain ou encore de ne pas finir dans un pays où un mot de travers peut valoir 20 ans de prison. Tenir ce genre de discours relève d’une vraie déconnexion d’avec le terrain et d’un point de vue bien occidental.
Ecoutons plutôt les mots des amis ukrainiens qui la semaine dernière affirmaient “Nous sommes fermement convaincus que la république la plus imparfaite est mille fois meilleure que la monarchie la plus éclairée”. (Point de vue « progressiste » d’antan)

- 8 : Comprendre que la société ukrainienne, comme en Syrie, comme en France, est traversée de différents courants.
Nous connaissons bien le procédé qui consiste à désigner une grande menace pour effrayer les soutiens potentiels. La rhétorique du “terrorisme islamiste” en Syrie utilisée par Bachar al-Assad dès les premiers jours de la révolution, aujourd’hui “le nazisme” et “l’ultra-nationalisme” brandis par Poutine et ses alliés.
Si nous pensons que cette propagande est volontairement exagérée et qu’il ne faut en rien la relayer en l’état, l’expérience en Syrie pousse à ne pas sous-estimer les composantes réactionnaires des mouvements populaires.
En Ukraine, des nationalistes ukrainiens, parfois fascistes, ont eu un rôle important dans les manifestations de Maïdan et dans la guerre contre l’agression Russe qui s’en est suivie. Comme le bataillon Azov, ils en ont parfois tiré des bénéfices et rejoint l’armée régulière ukrainienne. Cela ne signifie pas pour autant que toute la société ukrainienne (ni même la majorité) soit ultra-nationaliste ou fasciste. L’extrême-droite n’a fait que 4% aux dernières élections et le président ukrainien, juif et russophone a été élu à 73%.
Dans la révolte en Syrie, les djihadistes ont commencé en étant marginaux puis ont pris une importance croissante - entre autres grâce au soutien extérieur - leur permettant de s’imposer militairement au détriment du mouvement civil et des acteurs les plus avancés. Partout l’extrême droite (comme en France aujourd’hui sans aucun doute) est une menace pour l’extension des démocraties et de révolutions sociales. En France, cette extrême-droite a tenté de s’imposer au début du soulèvement des Gilets Jaunes. Et si elle fut battue, ce fut grâce à la présence de militants libertaires et antifascistes, et non pas par des commentateurs de salon.
Attention, défendre la résistance populaire (en Ukraine comme en Russie) face à l’invasion Russe ne revient pas non plus à être naïf concernant le régime politique issu de Maïdan. On ne peut pas dire que la chute de Ianoukovitch ait débouché sur une véritable extension de la démocratie directe et d’une société égalitaire que nous souhaitons pour la Syrie, la Russie, la France et le monde entier. Utilisant une expression qui nous est bien connue, certains activistes ukrainiens qualifient l’après Maïdan de “révolution volée”. Le régime ukrainien, en plus d’accorder une place importante aux ultra-nationalistes, a été, entre autres, reconstruit par des oligarques défendant leurs intérêts économiques et politiques propres et étendant un modèle capitaliste néo-libéral et inégalitaire. Si nos connaissances restent limitées à ce sujet, il nous est difficile de croire que le régime ukrainien n’a aucune responsabilité dans l’exacerbation des tensions avec les régions séparatistes.
1. En Syrie, les révolutionnaires impliqués sur le terrain ne se sont en rien privés de critiquer violemment les choix de l’opposition politique réunie à Istanbul : nous regrettons encore son choix de n’avoir pas pris en compte les revendications légitimes des minorités comme les Kurdes.
La présence d’un régime néolibéral à composante autoritaire se retrouve dans toutes les « démocraties » occidentales. Si ces adversaires de l’émancipation ne doivent pas être sous-estimés, il n’en reste pas moins qu’il faille défendre la résistance populaire à l’invasion. Au contraire, comme nous aurions aimé que ce soit le cas pendant la révolution syrienne, nous vous appelons à soutenir les composantes ukrainiennes les plus auto-organisées.

- 9. Soutenir la résistance populaire en Ukraine et en Russie.
Comme l’ont prouvé les révolutions arabes, les Gilets jaunes ou Maïdan, les soulèvements du XXIe siècle ne sont et ne seront pas « idéologiquement purs ». Si nous pouvons comprendre qu’il est plus confortable et galvanisant de s’identifier à des acteurs puissants (et victorieux), nous ne pouvons pas trahir nos principes élémentaires. Nous invitons la gauche radicale à retirer ses vieilles lunettes conceptuelles pour confronter ses positions théoriques au réel.
C’est pour ces raisons qu’en Ukraine nous appelons à soutenir en priorité les initiatives qui proviennent de la base, à savoir les initiatives d’auto-défense et d’auto-organisation qui fleurissent actuellement. On pourra y découvrir que souvent, des gens qui s’auto-organisent peuvent défendre les conceptions radicales de la démocratie et de la justice sociale.
Aussi, comme l’appellent de nombreux militants russes, nous pensons qu’un soulèvement populaire en Russie pourrait contribuer à faire cesser la guerre comme en 1905 et en 1917. Quand nous découvrons l’ampleur de la répression à l’œuvre en Russie depuis le début de la guerre (des dizaines de milliers de manifestants emprisonnés, censure des médias, coupure desdits « réseaux sociaux » et peut-être bientôt d’internet, etc.) comment ne pas souhaiter qu’une révolution aboutisse à la chute du régime, pour arrêter, une fois pour toutes, les crimes de Poutine en Russie, en Ukraine, en Syrie et ailleurs.
C’est le cas aussi pour la Syrie où, suite à l’internationalisation du conflit, bien loin d’en vouloir aux peuples iranien, russe ou libanais, les soulèvements de ces peuples pourraient nous faire croire à nouveau à la chute de Bachar al-Assad.
De la même façon que nous souhaitons des bouleversements radicaux et des extensions radicales de la démocratie, de la justice et de l’égalité aux États Unis, en France ou en d’autres pays qui basent leur puissance sur l’oppression d’autres peuples ou d’une partie de leur population.

- 10. Construire un nouvel internationalisme par le bas.
Si nous sommes radicalement opposés à tous les impérialismes et à toutes les formes modernes du fascisme, nous pensons que nous ne pouvons pas nous limiter à des postures anti-impérialistes ou antifascistes. Si elles se comprennent dans de nombreux contextes, elles risquent aussi de limiter le combat révolutionnaire à une vision négative et le réduire à l’état de réaction et de résistance permanente.
Nous croyons que porter une proposition positive et constructive comme l’internationalisme reste indispensable. Cela entraîne de lier les révoltes et les combattants pour l’égalité dans le monde entier.
Une troisième voie existe entre l’OTAN et Poutine, c’est celle de l’internationalisme d’en bas. Un internationalisme révolutionnaire doit appeler aujourd’hui à défendre la résistance populaire en Ukraine comme il devait appeler à soutenir les conseils locaux syriens, les comités de résistance au Soudan, les assemblées territoriales du Chili, les ronds points des Gilets Jaunes ou les intifadas palestiniennes.
Certes, nous vivons dans le souvenir d’un internationalisme ouvrier – appuyé sur des partis, des syndicats et de grandes organisations - qui furent réellement capables de peser dans des conflits internationaux comme en Espagne en 1936, au Vietnam ou en Palestine dans les années 60-70.
Aujourd’hui et partout dans le monde, que ce soit en Syrie, en France ou en Ukraine, nous sommes orphelins de forces émancipatrices d’ampleur, dotées de bases matérielles conséquentes. En attendant l’émergence – comme ce qui semble se jouer au Chili – d’organisations révolutionnaires s’appuyant sur les initiatives d’auto-organisation locales, nous défendons un internationalisme qui soutient les soulèvements populaires et accueille tout type d’exil. En cela aussi nous préparons le terrain d’un véritable retour de l’internationalisme, qui, espérons-le, pourra un jour à nouveau proposer de manière audible et articulée une voie alternative aux modèles capitalistes occidentaux et à l’autoritarisme capitaliste russe ou chinois.
Une telle conception, en Syrie, aurait sûrement permis d’aider la révolution à conserver une couleur démocratique et égalitaire. Et qui sait peut être, à contribuer à la victoire.
Ce n’est donc pas uniquement par principe éthique que nous sommes internationalistes mais aussi par stratégie révolutionnaire. Nous défendons donc la nécessité de créer des liens et des alliances entre les forces auto-organisées qui œuvrent pour l’émancipation de toutes et tous sans distinction. C’est ce que nous nommons l’internationalisme par le bas, l’internationalisme des peuples.

Proposition de positions au sujet de l’invasion russe en Ukraine

Soutien total à la résistance populaire ukrainienne face à l’invasion russe.
Soutien privilégié pour les acteurs auto-organisés défendant des positions émancipatrices en Ukraine par les dons, l’aide humanitaire et la diffusion de leurs revendications.
Soutien aux forces anti-guerre et anti-régime en Russie et diffusion de leurs positions.
Accueil des exilés ukrainiens et organisation de rencontres pour faire entendre leur voix.
Combat de tous les discours pro-Poutine, encore plus à gauche.
Combat des discours défendant l’OTAN par idéologie.
Refuser le soutien aux acteurs, en Ukraine et ailleurs, qui défendent une politique ultranationaliste, xénophobe et raciste.
Critiques et méfiances permanentes face aux actions de l’OTAN en Ukraine et ailleurs.
Pressions sur les gouvernements (manifestations, actions, banderoles, tribunes, pétitions, etc.) afin de faire appliquer les revendications des acteurs auto-organisés sur le terrain.

C’est peu malheureusement, mais c’est tout ce que nous pouvons proposer tant qu’il n’y aura pas de force autonome ici ou ailleurs, luttant pour l’égalité et l’émancipation, capable d’apporter un soutien économique, politique voire militaire conséquent.
Nous espérons sincèrement que, cette fois-ci, ces positions seront portées par un grand nombre de personnes. Si cela arrive, nous serons profondément heureux.ses mais nous garderons le souvenir que ce fut loin d’être le cas pour la Syrie, et que ça lui a coûté cher.

Notes

[2Rappelons les 9 guerres ou interventions de Poutine depuis 1999 : les 2 guerres de Tchétchénie (1994-2009), celle de Géorgie en 2008, celle du Donbass et l’invasion de la Crimée en 2014, le « maintien de la paix » dans le Haut-Karabakh en 2020 et dans le Kazakhstan en janvier 2022, la signature d’un accord de la garde nationale russe et du ministère de l’Intérieur biélorusse dans le domaine du maintien de l’ordre en décembre 2020, l’intervention en Syrie (2015-2022).

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