Réuni.e.s entre ami.e.s, quand on ne refait pas le monde, on le revisite ou on le critique. Nous parlons alors culture, amours, cuisines, fraternité, perspectives, plaisirs… Rien que (de) la vie !
On évoque aussi nos propres organisations politiques ou syndicales, nos erreurs et les leurs, les dérives et les camarades. Ah, les camarades !
La dernière fois qu’on les a évoqués, chacun.e y est allé.e de ses références :
Dis donc camarade Soleil tu ne trouves pas que c’est plutôt con de donner une journée pareille à un patron ? "- Prévert.
Traiter ses camarades comme on traite l’ennemi, c’est adopter la position de ce dernier. "- Mao
Regarde-la flâner dans l’œil de tes copains / Sous le couvert joyeux de soleils fraternels / Regarde-la glisser peu à peu dans leurs mains / Qui formerons des poings / Dès qu’ils auront atteint / L’âge de l’oppression ." - Ferré
S’il y a un mot qui circule abondamment dans "nos milieux" c’est bien celui de "Camarade". Mais, à force d’être employé de manière générique, on en oublierait presque qu’à côté des compagnons solidaires et de lutte, qui méritent amplement notre camaraderie, gravitent des cas aberrants dont on peut se demander "ce qu’ils font là" tant leurs pratiques sont antinomiques avec le collectif dans lequel ils prétendent s’inscrire. Ce n’est évidemment pas une nouveauté pour ceux qui sont passés de groupes en groupes et qui ont dû se heurter à ces "personnages" plus ou moins (auto)gérées, qui se jouent volontiers des règles de base, mais dans lesquelles ils se drapent pourtant et qu’ils revendiquent haut et fort, surtout en public.
Alors, nous avons joyeusement listé quelques "cas aberrants" :
- Le Spin Doctor. En bon conseiller en communication et marketing politique, sa fonction majeure est d’imprimer l’influence d’une fraction ou des positions minoritaires sur l’ensemble du groupe. Pour ce faire, il n’hésite pas alors à "bourrer" les assemblées en rameutant et "travaillant" les indécis ou à faire faire passer ses points en toute fin d’AG, alors que celle-ci est devenue clairsemée.
- Le faussaire. À "seule la lutte paie ", il préfère "tous les moyens sont bons ". Et pour faire avancer sa stratégie, il est disposé à produire de faux témoignages, de faux documents, à monter des cabales artificielles pour avancer ses pions.
- L’héritier. Au prétexte que sa famille était "dans la lutte" et qu’il l’a vécue "par procuration", il dicte des lignes à suivre, l’œil dans le rétroviseur de l’histoire. Au nom de cette dernière, il voudrait que l’organisation la magnifie et la fasse revivre (tout comme lui sa famille) mais en oubliant que "L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire des luttes de classes", comme l’écrivait Marx.
- Le testostéroné. Sa virilité, portée comme un étendard, est mieux entrainée que ses raisonnements. Il trouve sa place dans les services d’ordre et les opérations commando, quand il ne "solutionne" pas d’éventuelles oppositions internes, "à sa manière".
- Le directeur du personnel. L’organisation est pour lui une sorte d’entreprise dans laquelle il s’autoproclame DRH, gérant les "profils critiques" ou les "hérétiques" qu’il (lui) faut organiser, voire exclure, arguant lui aussi que "…la preuve la plus grande de la faiblesse du parti, c’est son amorphisme et l’absence de frontières nettement délimitées ; le parti se renforce en s’épurant..." [1]
- Le multitâche. Il est de tous les bureaux, de toutes les commissions, de tous les mandats, de toutes les actions et de toutes les AG. Son omniprésence semble être sa seule raison d’être, à moins qu’elle ne soit une manière de "garder la main" sur l’Organisation qui, théoriquement, reconnait la nécessaire et salutaire rotation des tâches.
- Le gardien du Temple. Pour lui, si ce n’est pas dans les Textes, cela n’existe pas ou alors il faut que la réalité rentre dans le Livre, sinon ses schémas s’écroulent et avec eux ses lectures de Marx, Bakounine, Lénine et d’autres…
- Et les "cumulards", qui, quant à eux, n’hésitent pas à combiner certains de ces "profils"…
En fin de soirée, après avoir dressé ces quelques portraits, encore lucides, l’un d’entre nous s’est souvenu de ce que disait un ancien docker et syndicaliste du Havre :
Camarades, y a des camarades qui ne sont pas des camarades, camarades !
Loin d’être dépités, on a décidé de poursuivre nos engagements politiques ou syndicaux et d’ignorer ces "fâcheux". [2]