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Service public de psychiatrie : modernité ou régression, Monsieur Macron, il faut choisir !


Communiqué du 19 juillet 2018


vendredi 20 juillet 2018,


Contribution


Solidarité

Si l’idée du groupe des directeurs d’ARS, chargés par la Ministre de la Santé de faire des propositions pour les soulager d’une partie de leurs missions se confirme pour la psychiatrie, après avoir fuité auprès de l’APM, les professionnels auraient bien tort de ne pas y voir une nouvelle étape stratégique de destruction de la psychiatrie publique.

Quand les mouvements sociaux se multiplient dans les services de psychiatrie pour faire entendre qu’il n’y a pas les moyens de soigner dans des conditions dignes, la Ministre répond qu’elle veut une psychiatrie moderne qui ne trouvera sa voie que dans les GHT : signe d’aveuglement pour les spécificités de la discipline, d’ignorance des analyses dissonantes relatives à ces grands ensembles hospitaliers dont la logique n’est pas le développement des soins de proximité, de surdité pour la souffrance des collègues somaticiens exerçant dans ces GHT qui en vivent déjà les limites, ou de mépris pour ce qui peut tourmenter des soignants au point de faire la grève de la faim, de monter sur les toits de leurs établissements, ou de risquer la confrontation avec les forces de l’Ordre dans les locaux de l’ARS comme à Amiens, ville natale présidentielle.

Ou nouveau rebond de la vieille lune technocratique convaincue que la psychiatrie et les maladies psychiques finiront sous l’effet des restrictions, par se dissoudre dans un patchwork de neurobiologie, de compensation du handicap, et de bien-être autogéré, et de dispositif de contrôle social des troubles à l’ordre public.

Lorsque le Premier Ministre publie dans le cadre de son plan national de prévention de la radicalisation le décret du 23 mai 2018 pour accroître l’accès aux données des personnes hospitalisées sans consentement en psychiatrie, et en étendre la durée de conservation, la consigne est de faire passer les vessies pour des lanternes en affirmant qu’il ne s’agit que d’une actualisation du fichier préexistant. Tout en affichant la volonté de lutter contre la stigmatisation des maladies mentales et en sermonnant les professionnels sur la nécessité de faire évoluer leurs pratiques vers plus d’éthique. Le SPH a établi un recours contre le décret du 23 mai 2018 et bien conscient qu’il n’y a pas grand-chose à attendre du Premier Ministre en réponse à son recours gracieux, confirme qu’il engage comme le CRPA un recours auprès du Conseil d’Etat pour la défense des droits des patients et la reconnaissance de la nature sanitaire et non sécuritaire de la discipline.

Mais voilà maintenant que la volonté gouvernementale de transformer le service public dans le cadre de son « Action publique 2022 » encouragerait le groupe de travail coordonné par Sylvaine Goulard à confier complètement les soins sans consentement en psychiatrie aux préfets : en effet, sans doute bien inspirés, ces directeurs d’ARS considéreraient que l’ensemble de ces procédures relève de la sécurité publique et non de la santé. Le service public hospitalier où se répètent les alertes, peut déjà apprécier la considération que ce gouvernement a pour les missions de service public. Mais pour la psychiatrie, si cette ligne rouge est franchie et que la France devient le seul pays du monde démocratique à placer sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur les soins psychiatriques qui concernent déjà 2 millions de personnes et pourraient toucher 1 Français sur 5, elle deviendra sous le gouvernement Macron championne du monde de la régression des libertés individuelles.

Il est utile de rappeler à ce groupe de travail, et probablement à sa tutelle, que les études préparatoires et l’évaluation de la loi sur les soins sans consentement ont montré que le maintien du préfet comme autorité dans les soins psychiatriques, est déjà une exception française au sein de la communauté européenne. Soumis aux aléas d’ambiance sécuritaire, les services de psychiatrie en connaissent les effets en matière de freins aux sorties des patients et aux incitations à rompre le secret professionnel.

A l’époque de la réforme de la loi, Nicolas Sarkozy avait manifesté sa volonté de faire de la psychiatrie un système d’Etat pour la réclusion des indésirables, freiné comme Ministre de l’Intérieur par la réaction des professionnels, des usagers et des familles, puis comme Président de la République par les décisions du Conseil Constitutionnel : Emmanuel Macron qui se fait fort d’arbitrer les réformes, compte-t-il terminer le travail, prêt à consommer la fracture avec toute une discipline de santé et une frange de ses concitoyens ?