En 2009, Michel Potage donnait une clé pour entrer dans l’exposition que lui consacrait à l’automne la galerie Lélia Mordoch : « J’ai voulu montrer le pays de la peinture, la chose en train de naître ». Michel Potage est peintre, un peintre qui chante, crie, écrit, trace partout où la trace fait sens.
L’homme de Sens déjoue les sens interdits par instincts décisifs. Le défi est subtil, sans moule. Dans l’exposition précitée, il a accroché ces mots de Samuel Beckett : « Il n’y a rien à exprimer, rien avec quoi exprimer, rien à partir de quoi exprimer, aucun pouvoir d’exprimer, aucun désir d’exprimer en même temps que l’obligation d’exprimer ». Michel Potage ou le savoir de toutes les extrémités. Dans les années 70, avec son très proche compagnon - de Sens - Jac Berrocal, dans le Musiq Ensemble, il musiquait en taquinant le frisson des ombres. Ensemble, ils faisaient valser les entre-deux dans ce qu’on n’appellera pas "performance" (Potage n’aimait pas ce mot répertoire pas plus que celui d’ "installation") dans les surgissements où la scène valait la toile.
Escale au Sable à l’ancienne et à la nouvelle, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris 1976, un an après Laissés de chantier, le sable l’ensevelit avec Jac Berrocal, Bernard Vitet, François Achard. La même année, il participe au Parallèles de Berrocal, il y dit et y réalise visuellement "Post Card". Un peu plus tard, il devient avec le même Berrocal, Jean-François Pauvros et Jean-Pierre Arnoux, le premier chanteur free-punk de langue française dans le disque Catalogue (et un album live à Anvers). Dans l’intervalle - mot de plein sens pour celui qui joue de tous les interstices pour mieux montrer le plein vivant au sommeil sursautant - en 1977, Michel Potage a enregistré Occupé, album inexplicablement (pour l’auditeur extérieur) resté non publié jusqu’en 2011. Disque manifestement manifeste de ce romantisme déluré, cette occupation follement partagée en si bonne et si folle compagnie : Jac Berrocal, Bernard Vitet, Daniel Deshays, Claude Parle, Françoise Achard, Roger Ferlet, Pierre Bastien, Nicole Bernard, Jean-Marie Gibbal. Ça marque ! En 1974, ce grand ami de Jacques Thollot avait publié un petit livre très remarquable, Inexclamir-Inextirpé, qui pouvait aussi bien constituer un guide pour refaire la route de Jack Kerouac dans l’autre sens que se plonger dans les quatre cents coups permanents. Il saura, par la peinture même, si justement saluer Van Gogh. Au moment où le monde en a tant besoin, il multiplie les peintures représentant, invitant plutôt, des arbres. Instinct de vie.
La route de Michel Potage ne ressemble à aucune autre, elle pense tout ensemble, illimitée, dans la profondeur de la peinture, la relance des mots, le fracas du monde, son silence aussi. Elle s’est interrompue à Sens ce dimanche 27 décembre.
Source : https://nato-glob.blogspot.com