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Lecture syndicaliste révolutionnaire de Daniel Bensaïd



vendredi 2 septembre 2011,


Pierre Bance


Réflexions



La lecture de théoriciens ou de philosophes politiques non seulement permet de comprendre la réalité mais aussi d’anticiper l’événement. L’exemple est la lecture de Daniel Bensaïd. Ses écrits antérieurs à la création du NPA montrent que ce parti est condamné à l’échec alors que Bensaïd paraît en être un promoteur fidèle.

En réalité, contre sa volonté profonde, il tente un alliage impossible entre marxisme et anarchisme. Cela perce dans ses textes, plus encore quand il les écrit avec Olivier Besancenot. Parce que l’anarchisme ne serait qu’une donnée complémentaire au marxisme, une cerise pour faire beau, le NPA se retrouve sans véritable idéologie ce qui permet aux "vieux" marxistes de la LCR den conserver le contrôle avec leurs insupportables pratiques bureaucratiques. Bensaïd a-t-il voulu cette débandade ? Consciemment, on ne le saura probablement jamais ; inconsciemment, c’est sûr.

Texte de Pierre Bance, syndicaliste, journaliste indépendant.
Trop long pour une lecture "à l’écran" (23 pages), est proposé au téléchargement.
Il est libre de droits avec mention de l’auteur : Pierre Bance, et de la source : « autrefutur.net.



Daniel Bensaïd a joué un rôle moteur dans la constitution du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) (1). L’affirmation est communément admise. Mais si l’on prend la peine de le lire, on se rend compte que non seulement il ne prône pas une doctrine d’ouverture mais qu’il se maintient dans un marxisme orthodoxe, que ce qu’il emprunte à l’anarchisme ou au syndicalisme révolutionnaire n’est qu’apparence pour maintenir une ligne léniniste traditionnelle.
Ce n’est pas que Bensaïd soit malhonnête, c’est qu’il pense que le marxisme et son instrument, le bolchévisme, ne doivent pas être rénovés en profondeur : le parti, la prise du pouvoir et la constitution de l’État socialiste sont les seules voies pour parvenir au communisme (I). Comme il ne peut aller contre un fort mouvement d’ouverture au sein de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), incarné par Olivier Besancenot, il va s’efforcer d’en montrer les faiblesses tout en paraissant le soutenir (II). Ce travail intellectuel paradoxal de sape semble en passe de réussir ; le NPA, sans cohérence doctrinale, s’est trouvé incapable de changer les habitudes de la LCR, ses mauvaises manières aussi.(2).

(1 ) Daniel Bensaïd, né en 1946 à Toulouse, est mort à Paris début 2010 des suites d’un cancer. Après avoir participé au Mouvement du 22 mars en Mai 1968, il a été l’un des fondateurs et des dirigeants de la Ligue communiste révolutionnaire en 1969. Philosophe et théoricien marxiste, il modernise le discours trotskiste tout en en préservant strictement les principes. Cet ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud exerçait comme professeur à l’Université de Paris VIII. Lors de son décès, son apport intellectuel et sa droiture politique furent unanimement salués.
Quand on a côtoyé des philosophes politiques aussi sophistiqués que Chantal Mouffe, Antonio Negri, Alain Babiou, Jacques Rancière, Slavoj Žižek, John Holloway et d’autres, souvent au bord de l’hermétisme, c’est un plaisir de lire Bensaïd : le mot est juste, la phrase coule, la construction est habile… au point qu’il faut se méfier de ne pas se laisser prendre à l’évidence d’une démonstration par l’élégance l’écriture. Dans ses travaux, on trouve assez souvent de belles phrases dont le sens est assez vague, notamment quand il met au goût du jour une idée ancienne ou s’évertue à faire sienne une idée nouvelle. On verra, note (42), qu’« une centralisation démocratique de la pluralité expérimentale des résistances » n’est autre que le centralisme démocratique du parti bolchévique.
S’il n’a pas occupé toute sa place dans le concert des « grands », médiatisés ou non, c’est probablement à cause de son engagement politique concret. Les dominants de l’Université, des médias, des pouvoirs n’aiment pas trop les émetteurs d’idées quand ils cherchent à les réaliser.
L’ouvrage de Daniel Bensaïd qu’il convient de lire pour avoir une vision d’ensemble de sa pensée politique, dans une présentation et un style accessibles à tous, est Éloge de la politique profane, (Paris, Albin Michel, « Bibliothèque Idées », 2008, 362 pages).

(2 ) Le lecteur a compris que la présente étude n’a pas pour objet d’expliquer l’échec du NPA – car on peut aujourd’hui parler d’échec – par les faits mais par les textes. Que cet échec, dont on aurait d’ailleurs tort de se réjouir, était perceptible dans les écrits doctrinaux de Daniel Bensaïd pour peu qu’on les ait soumis à la critique anarchiste. Et ce, dès les premières velléités de transformation de la LCR au début des années 2000.

Sommaire :
I - Un guide éclairé dans les brumes d’Utopia

  • Les utopies néo-libertaires
  • L’autogestion comme utopie
  • Retour à la politique
  • Le centralisme démocratique, soleil du parti
  • Théologie de la prise du pouvoir
  • Démocratie radicale ou hégémonie communiste ?

II – Un passeur louche dans les brumes du NPA

  • L’impossible doctrine
  • Un parti libertaire ?
  • L’autogestion comme prétexte
Lecture syndicaliste révolutionnaire de Daniel Bensaïd