Accueil > Lectures > Les épigones français du négrisme

Les épigones français du négrisme

dimanche 3 avril 2005

La branche française du negrisme a surtout sévi dans les revues Futur Antérieur puis Multitudes. D’autres revues, comme Chimères ou Vacarme, leur offrent régulièrement la parole, ouvrant ainsi la sphère d’influence à un lectorat un peu plus large.

Florilège

• C’est cette souplesse possible du net qui a été révélée par les expériences de novembre-décembre dernier [1995]. Tout se jouera maintenant sur la capacité à poser les questions politiques de communication et à produire des pratiques alternatives... Des pistes que de nouveaux projets tentent déjà d’expérimenter et d’approfondir. Une chose est certaine, c’est la réappropriation collective de la communication et de ses outils, de ses réseaux et de ses fonctions, par les acteurs des conflits sociaux, c’est-à-dire l’invention des instances d’une communication autonome, qui apporteront une réponse à toutes ces questions. En attendant, l’aventure continue... Alors, peut-être, cette boutade, “cette grève était la grève du fax, la prochaine sera la grève sur Internet” sera une réalité... Mais c’est une autre histoire, et elle s’écrit au présent.

Aris Papatheodorou,“Cette grève était la grève du fax, la prochaine sera la grève sur Internet”, Futur Antérieur n°33-34, 1996/1


• Les libéraux clament que la liberté de l’individu est du côté du marché, keynésiens et marxistes que l’égalité des groupes sociaux est du côté de l’allocation administrative des ressources. Nous aurions tendance à renverser radicalement les termes du problème en voyant dans l’intervention publique la possibilité de libération du potentiel productif dont est porteur l’individu du travail immatériel, et dans l’organisation du marché politique, le mécanisme de contrôle de l’égalité et de l’équité entre les groupes sociaux et les communautés en vue d’une véritable cure d’amaigrissement de la rente étatique servie aux corporations fordistes. Ce n’est que ce double programme iconoclaste qui pourra s’approcher de la démocratie économique, qui est sans doute le régime d’accumulation le “moins mauvais possible”.

Yann Moulier-Boutang, La revanche des externalités, Futur Antérieur n°39-40, septembre 1997


• La multitude précaire de Gênes était féminine ; cette multitude que la violence de l’Etat et l’arrogance du G8 ont enfermée dans une orgie de répression. Il fut donc féminin d’éviter l’affrontement. Agnoletto et Casarini ont saisi cette sensibilité lors de l’assemblée au stade de Gênes, en refusant de poursuivre l’affrontement pendant la nuit, après l’assassinat de Carlo Giuliani. (...) Le mot d’ordre de la majorité des manifestants de Gênes fut donc de se soustraire à la violence : traduction du désir du prolétariat social et précaire de se soustraire à l’exploitation. (...)
Mais la multitude est singulière et chaque être singulier avait une caméra : la multitude des photos se révèle alors une arme bien plus acérée qu’une matraque transformée en instrument de torture. A Gênes, tout le monde regardait, mais pas le moindre voyeur. A Gênes, Big Brother s’est libéré de ses maîtres, des miroirs, du narcissisme et de la perversion. Regarder c’était résister, c’était produire une image contre le contrôle, une parole contre le langage du pouvoir.

Antonio Negri, Ainsi commença la chute de l’empire, Multitudes n°7, décembre 2001


• Aujourd’hui ceux qui cherchent à agir contre les suspensions d’allocations, l’emploi forcé, les formations non choisies, les radiations, ne se satisfont pas de cette autodéfense sociale. De telles pratiques nécessitent, pour se développer, un horizon général. Le refus ne va pas sans forme d’affirmation qui nous éloignent du catastrophique “la révolution ou rien”. Le revenu garanti est un moyen de construire de l’égoïsme collectif. Dire que c’est renforcer l’état, c’est se moquer du monde puisque l’état gère déjà (très hiérarchiquement) cette “petite circulation” du salaire, il s’agit justement de construire du contre-pouvoir sur ce terrain. Le revenu garanti n’est pas un paradis futur, ses formes présentes déterminent déjà l’existence. Il s’agit d’ouvrir tout l’espace du possible, dès maintenant, à la libre activité. Contre le travail, contre sa mesure par le salaire, et contre la richesse (marchande) qu’il promet, on dira qu’un autre monde est possible.

Laurent Guilloteau, Il faut mater le précariat !, Multitudes n°8, mars-avril 2002


• Le mouvement de novembre-décembre 1995 avait tiré sa force du fax et des débuts d’internet. Depuis le 21 avril, Internet et le mobile permettent aux “tribus” et aux “nomades” tant vantés par les opérateurs de mobiles dans leurs campagnes publicitaires de descendre en masse sur le sentier de la guerre, la guerre contre la haine et l’intolérance. La gauche plurielle a perdu le droit d’être présente au deuxième tour de l’élection présidentielle en limitant le discours politique à la communication réservée dans son élaboration à l’élite du parti. Le peuple de gauche s’empare des outils de la communication pour développer la révolte, penser dans la rue, organiser la riposte, converser avec ses voisins, parler avec des inconnus. La communication directe et de masse au sein de la multitude décuple les forces qu’elle porte en elle, comme ce fut le cas pour Seattle et toutes les manifestations mondiales qui ont suivi. (...) Le 5 mai sera le vote de la multitude, un vote dont aucun bulletin n’aura le même sens même s’il porte le même nom. Après ? On verra.

Anne Querrien, François Rosso, 21 avril 2002 : la révolte de la multitude, hns-info.net, 28 avril 2002


[in " Negrisme & Tute bianche : une contre-révolution de gauche" (éd. Mutines Séditions, 36 p., août 2004)]