Ukraїner est un site qui existe depuis 2016. « Pendant longtemps, les Ukrainiens ont émigré pour fuir les conséquences de plusieurs siècles d’occupation russe […]. Les scientifiques, artistes, sportifs et soldats ukrainiens ont été contraints de devenir russes à moins d’être considérés comme des ennemis du régime. […] Le 24 février 2022, Ukraїner a relancé tous ses canaux de communication, pour décrire la guerre et la lutte contre les catastrophes causées par les forces d’occupation. […] Ukraїner recueille les récits des évacués, documente les initiatives d’aide humanitaire et militaire, enregistre des entretiens avec des militants et dénonce la propagande du Kremlin. Parallèlement, Ukraïner continue de publier des livres sur l’histoire contemporaine de l’Ukraine et des albums de photos qui continuent de présenter notre pays. […] Mais si auparavant ces histoires parlaient d’un pays pacifique en train de changer et de se réformer, aujourd’hui c’est un pays qui se bat pour sa liberté, avec des récits de lutte acharnée. [… Ukraïner] partage l’expérience de cette résistance courageuse et […] explique pourquoi le monde devrait également se battre pour les valeurs démocratiques aux côtés de l’Ukraine ».
« […] Depuis des décennies, les autorités de Moscou discréditent l’Ukraine dans les médias. Elles affirment que l’Ukraine est un pays improbable. De manière diverse, des mythes ont été répandus parmi les universitaires, les institutions culturelles, les médias, les politiciens et les réseaux sociaux : « La langue ukrainienne serait un dialecte du russe… l’économie ukrainienne serait en train de s’effondrer… il n’y aurait en Ukraine que des alcooliques et des fonctionnaires corrompus ». […]
Ce discrédit est devenu particulièrement prégnant en 2014, après la Révolution de la Dignité (place Maïdan, du 18 au 23 février), l’invasion de l’est de l’Ukraine et l’occupation de la péninsule de Crimée. Mais le pire, c’est que ces récits du Kremlin ont été repris, reproduits et amplifiés par de nombreux journalistes qui n’ont même pas pris la peine de procéder à une vérification de base des faits. Le problème ne s’arrête pas là, car la Russie est soutenue par de nombreuses autres méthodes sur le plan de l’information. […]
Les « faux nez » du Kremlin dans les médias internationaux
L’exemple le plus frappant de la manière dont des messages russes de qualité douteuse sont diffusés dans les médias grand public est sans aucun doute à chercher dans l’agence de presse Reuters et sa plateforme Reuters Connect […] qui, en 2020, a signé un contrat avec l’agence de presse TASS, laquelle diffuse régulièrement la propagande et la désinformation gouvernementale russe [2]. […] Le partenariat entre Reuters Connect et TASS a duré jusqu’à fin mars 2022. Ce n’est qu’après un texte du média étatsunien Politico qui rendait publiques les informations de certains employés de Reuters concernant les liens de l’agence avec les services de renseignements du Kremlin, que la plateforme britannique a mis fin à cette collaboration, ce qui n’a cependant pas empêché l’agence de continuer à s’appuyer sur les publications du Kremlin pour certaines de ses informations. Par exemple, Reuters a publié le 30 mai 2022 un article intitulé « La région de Kherson, sous contrôle russe, commence à exporter des céréales vers la Russie – TASS », dans lequel elle s’appuie sur des informations de l’agence de presse du Kremlin [3]. […] Malgré le changement du titre, les lecteurs de Reuters ne sauront pas que les céréales ont été prises de force par l’armée russe. Les journalistes de « The Fix » [4] ont analysé dix documents sur l’Ukraine publiés sur le site de Reuters en utilisant le mot-clé « céréales ». Seuls quatre d’entre eux contiennent la formulation « céréales volées » dans le titre, les autres mentionnant « céréales exportées », ce qui est faux.
Le 2 juillet, Reuters a publié un article de son bureau moscovite intitulé « Loukachenko affirme que la Biélorussie a intercepté des tentatives de frappes de missiles Ukrainiens », ce qui n’a jamais eu la moindre confirmation [5]. Malgré l’avertissement, il s’agissait d’une désinformation évidente, car l’Ukraine n’a jamais attaqué la Biélorussie. C’était en fait un « à appât à clics ». […]
Sofia Padalka met en lumière dans « The Fix » les activités de Reuters dans la couverture de l’invasion russe. Elle cite des exemples qui prouvent que Reuters a fait le jeu du Kremlin et attire l’attention sur le vocabulaire des documents de Reuters qui déforment la réalité de la guerre. The Fix cite l’universitaire polonais Jan Smoleński à propos des allégations sur Kherson occupée [puis libérée à l’automne 2022], par exemple celle-ci : « Si la région est pro-Moscou, alors quel mal y a-t-il à ce qu’elle soit contrôlée par la Russie ? » Une formulation qui revient à légitimer un fait accompli. De plus, lorsqu’il est question des territoires ukrainiens envahis, les termes « soutenus par la Russie » et « soutenus par Moscou » sont souvent utilisés à la place de « occupés par la Russie ». Cela crée l’illusion d’une guerre civile en Ukraine, et non d’une invasion à grande échelle lancée par le Kremlin.
Le 10 octobre 2022, jour des premiers bombardements massifs d’infrastructures civiles en Ukraine, Reuters a publié un article intitulé « La Croix-Rouge suspend ses opérations en Ukraine pour des raisons de sécurité », titre qui a ensuite été changé pour « L’escalade de la violence en Ukraine perturbe le travail humanitaire » [6]. Dans cet article, ils répandent des fausses nouvelles, car la Croix-Rouge internationale n’est pas partie d’Ukraine [7]. […] Or, cette « information » avec son titre original a été reprise par 366 publications du monde entier dès le premier jour, donc tout démenti ou changement de titre postérieur n’aurait pas eu d’effet. Cela est véritablement problématique car le site Internet de Reuters compte à lui seul plus de 65 millions de lecteurs par mois.
Outre Reuters, d’autres médias influents ont présenté la situation en Ukraine à travers un miroir déformé. Les reportages sur la guerre russo-ukrainienne manquent souvent d’éléments contextuels et les journalistes ne connaissent en général pas l’histoire des relations de l’Ukraine avec la Fédération de Russie. […] Les résultats de ces carences, ce sont des documents biaisés, voire manipulateurs, qui font le jeu de Poutine. Par exemple, les médias internationaux continuent d’utiliser le terme « séparatistes » pour désigner les dirigeants des zones occupées. Le public qui a une connaissance limitée des relations russo-ukrainiennes et de la guerre, la perçoit comme une guerre civile, car les journalistes passent sous silence l’essentiel : le Kremlin a soutenu et financé de longue date ces « dirigeants » tout en envoyant illégalement des citoyens de la fédération de Russie, des troupes, des milices et des munitions sur le territoire de l’Ukraine. On peut trouver ce genre de narration dans les documents de nombreux médias et agences de presse. Par exemple, l’article de l’AFP du 2 juillet 2022 sur les « séparatistes ukrainiens » a été repris mot pour mot par les médias internationaux d’origine moyen-orientale Al Arabiya News et Al Jazeera, tandis que Le Monde et la Deutsche Welle ont transformé le titre en « Les rebelles pro-russes… » [8].
Même si de nombreux journalistes étrangers viennent en Ukraine pour faire leurs reportages sur la guerre à grande échelle, approcher la vérité et voir de leurs propres yeux les crimes de guerre de l’armée russe, cela ne suffit toujours pas à débarrasser l’espace médiatique des récits du Kremlin [9]. Cependant, la réaction des Ukrainiens aux déclarations manipulatrices et aux informations non vérifiées est beaucoup plus rapide, active et constructive depuis l’invasion à grande échelle. […]
Discréditer l’Ukraine et son armée
[…] En 2013, les propagandistes de Moscou ont activement répandu le crédo du néonazisme en Ukraine et ils l’ont renforcé lorsqu’ils ont trouvé un sujet parfait pour cela – le régiment Azov. […] En fait, la création d’Azov (un bataillon de volontaires créé pour lutter contre les forces occupantes en 2014, puis intégré dans la garde nationale), l’histoire de son fondateur d’extrême droite Andriy Biletsky et celle de ses membres – tout cela a été transfiguré par les propagandistes du Kremlin et de nombreux autres dans le monde. […]
[Note du traducteur : Le 5 mai 2014 à Kiev et Kharkiv, Andriy Biletsky et quatre autres personnes lancent le bataillon Azov [10] qui comptait alors 300 membres selon BBC News du 16 juillet 2014. En novembre, à la suite du protocole de Minsk, il est intégré dans la Garde nationale de l’Ukraine et compte à ce moment-là environ 800 soldats. Le bataillon vit ses effectifs augmenter, portant le nombre de ses combattants à plus de 4 000, soit environ 1,5% des effectifs de l’armée ukrainienne.
Le 14 octobre 2016 à Kiev, sous l’égide de Biletsky, des membres du régiment Azov et du « Corps civil » créent à Kiev un nouveau parti d’extrême droite appelé « Corps national » dont l’ambition affichée était de « prendre le pouvoir par les urnes lors des prochaines élections présidentielle et législatives et de reconquérir les territoires occupés par les séparatistes prorusses dans l’est du pays ». Lors des élections locales ukrainiennes de 2020, le parti obtiendra 0,04 % des voix.
Après l’invasion à grande échelle de février 2022 puis un terrible siège de trois mois de l’usine Azovstal [11] à Marioupol, la plupart des militaires du bataillon Azov qui y résistaient et des centaines de civils réfugiés seront faits prisonnier [12].
Bien que ce régiment ne fût qu’une infime fraction des forces armées ukrainiennes, sa capture a été amplement exploitée par la propagande de Poutine fondée sur la « dénazification » de l’Ukraine ; en effet, l’existence du régiment – liée à l’Euromaïdan puis à la fuite et à la destitution du président pro-russe Viktor Ianoukovytch – fut un élément central dans la guerre de l’information [13]menée par Moscou. Les images de la reddition des survivants du siège sortant des sous-sols de l’usine ont été largement diffusées par la télévision d’État de Poutine].
Ainsi, le mythe créé par les propagandistes russes selon lequel le parti du « Corps national » serait l’aile politique du régiment Azov perdure [encore] dans les médias étrangers. Par exemple, le 21 mars 2022, le journal britannique Times [14] a […] utilisé l’image d’un rassemblement de partisans du parti politique « Corps national » en 2018 avec la légende suivante : « rassemblement de volontaires de la formation paramilitaire d’extrême droite Azov ». Dans cette légende, tout est faux : aussi bien le fait que le parti « Corps national » soit une formation paramilitaire, que l’allégation de ses liens organiques à un régiment régulier de la garde nationale par ailleurs largement décimé en juin 2022. [À contrario, on notera que l’histoire des mouvements néo-nazis russes et celle de la tentaculaire milice Wagner fut peu documentée avant sa disparition, ndt …] Comme l’explique l’historien du radicalisme d’extrême droite Viatcheslav Likhachov [15], le fondateur d’Azov, Andriy Biletsky, a sans cesse utilisé le capital médiatique du régiment [acquit au premier semestre 2014 et dans le siège d’Azovstal] dans sa vie politique : en fait, Biletsky tente d’exploiter la « marque déposée » d’Azov dans sa vie politique. […]
Certains, comme Tucker Carlson, Chroniqueur à Fox News depuis 2009, sont allés encore plus loin : ils questionnent l’existence de l’Ukraine en tant que nation et appellent les États-Unis à ne pas intervenir dans le « conflit territorial entre l’Ukraine et la Russie ». Comme sur les réseaux, son approche repose davantage sur la culture de l’indignation et de l’antagonisme envers certains groupes de personnes que sur une analyse objective des faits. […]
Dans l’ensemble, tout cela n’exonère pas les médias de leur responsabilité : les contextes qu’ils créent et reproduisent dans les médias de masse ou sur les réseaux sociaux alimentent la propagande poutinienne et aident donc indirectement Moscou.
L’actualité à travers le prisme russe
Depuis le début de la Révolution de la Dignité (également appelée Révolution de Maïdan ou de l’Euromaïdan, ndlr) et l’occupation temporaire de la Crimée, certains médias internationaux ont diffusé leurs contenus depuis leurs bureaux en fédération de Russie ou ont employé des journalistes liés à la Fédération de Russie. Les dirigeants de ces médias de masse n’ont pas considéré cela comme un problème. Parmi les médias internationaux qui jouent directement ou indirectement le jeu du pays agresseur, il y en a qui ont une réputation apparemment irréprochable. L’un d’eux est le plus ancien et le plus populaire des journaux étatsunien, le New York Times (NYT) [16] […].
Depuis le début de l’invasion à grande échelle en 2022, la position et le contenu du NYT ont indigné de nombreux Ukrainiens. Par exemple, après trois mois d’invasion à grande échelle, la journaliste d’origine moscovite Yana Dlugy a été nommée à la tête de la newsletter quotidienne du NYT sur la guerre Russie-Ukraine […]. Le média ukrainien anglophone « The Kyiv Independent » [17] a publié alors un appel officiel à l’équipe éditoriale du NYT, en réaction à leur article du 19 mai 2022 intitulé « La guerre en Ukraine devient compliquée, mais l’Amérique n’est pas prête » [18]. Le journal étatsunien y soutenait qu’un « compromis douloureux » mais correct pour l’Ukraine serait de céder une partie de ses territoires. Mais l’appel du Kyiv Independent stipulait : « Aujourd’hui, le NYT appelle l’Occident à faire ce que Poutine attendait et à abandonner la lutte. Ne vous y trompez pas : si vous apaisez un dictateur, dont les troupes se livrent régulièrement à des crimes de guerre, cela conduira à un changement géopolitique catastrophique ».
Le NYT qui avait un bureau à Moscou, n’a décidé d’en ouvrir un en Ukraine qu’à la fin du mois de juillet 2022, et encore, sous la direction d’Andrew Kramer. Cela a provoqué une vague d’indignation parmi les Ukrainiens, puisque Kramer avait auparavant vécu et travaillé en Russie pendant plus de dix ans et était connu pour ses contradictions concernant la couverture de l’occupation en 2014 de l’est de l’Ukraine et de la Crimée par Poutine. En 2017, il avait qualifié la guerre dans l’est de l’Ukraine de « civile » ce qui fut par la suite rectifié à juste titre. Un an plus tard, il qualifiait Donetsk et l’Ossétie du Sud (région de Géorgie) de « zones séparatistes », et non de territoires occupés par le Kremlin. Il a également essayé d’obtenir une accréditation en tant que journaliste dans la soi-disant « République populaire de Donetsk » afin d’y recueillir des matériaux pour ses publications. […]
Un autre média respecté, le Washington Post, a également ouvert au printemps 2022 un bureau à Kiev, dirigé par Isabel Khurshudyan, qui était auparavant correspondante de la branche moscovite du journal... De toute évidence, cette rédaction n’a pas fait beaucoup d’efforts pour trouver un journaliste ukrainien ou international qui n’ait pas travaillé ou vécu à Moscou après 2014. […]
Une autre manifestation de l’influence du Kremlin dans les médias internationaux consiste à ne s’adresser qu’à des experts qui sont directement ou indirectement liés à la Fédération de Russie ou qui la soutiennent. […] La situation a heureusement quelque peu changé après l’invasion à grande échelle. Les voix ukrainiennes sont désormais entendues, en grande partie grâce aux efforts des bénévoles qui travaillent sur le front de l’information. Avant février 2022, il était largement accepté de parler de la situation en Ukraine avec n’importe quel chercheur en histoire russe en ignorant complètement ses collègues ukrainiens ; le plus souvent, tout se terminait par la défense des « citoyens russes ordinaires » et la responsabilité des États-Unis dans cette situation. […] Parmi ces « experts » figurent le linguiste américain d’origine biélorusse Noam Chomsky, le politologue américain John Mearsheimer, l’historien américain Steven F. Cohen et d’autres. Ce dernier n’a pas vécu assez longtemps pour voir l’invasion à grande échelle, mais il a activement défendu pendant plusieurs années l’idée qu’il n’existe pas de régime autoritaire en Russie et que la guerre dans l’est de l’Ukraine a commencé à cause des États-Unis. […]
Comment résister à la propagande russe dans les médias internationaux
Tout le monde fait des erreurs et les journalistes peuvent être influencés par les préjugés et les stéréotypes personnels qui prévalent dans leurs journaux ou leurs pays. Cependant, durant la guerre, le débat sur l’éthique et la compétence journalistique dépasse de loin les murs des universités ou les discussions expertes, car le contenu des articles peut affecter, d’une manière ou d’une autre, la sécurité nationale de la population ukrainienne et d’autres pays.
On peut retracer et analyser [19] la logique et les spécificités de la propagande du Kremlin, mais il est beaucoup plus compliqué de détecter les récits du Kremlin au jour le jour et de les empêcher de se répandre dans d’autres pays. Parfois, la désinformation et les fausses nouvelles se retrouvent dans les médias à cause de la précipitation, d’un comité de rédaction insuffisamment attentif ou d’un mauvais jugement. Il serait donc imprudent de qualifier un média de « pro-russe » sur la base d’un ou deux éléments douteux, mais il est essentiel de signaler ces problèmes aux rédacteurs en chef dans les commentaires ou de leur écrire des e-mails. […] Voici ce que nous proposons :
1. Vérifiez la position éditoriale du média et les documents de référence publiés sur l’Ukraine. Si vous constatez qu’il y a un manque de compréhension du contexte ukrainien ou que la réalité décrite est déformée, vous pouvez envoyer des informations complémentaires. Recommandez des personnes qualifiées qui peuvent s’exprimer clairement sur le sujet et fournir des informations fiables. De nombreux journalistes sont heureux d’obtenir plus d’éléments contextuels sur la guerre russo-ukrainienne et d’élargir leurs connaissances sur le sujet. Il est préférable d’expliquer poliment pourquoi il est dangereux de diffuser des messages en provenance de la Fédération de Russie.
2. Si les journalistes et (ou) les rédactions des médias ne répondent pas à vos remarques, vous devez vous adresser à des organisations qui luttent contre les faux et la désinformation, par exemple, Media detector, StopFake, SIG (Espace d’information global) [ou RSF, Forbidden stories, Disclose… et concernant la Russie The Insider, Mediazona, Meduza, etc.].
3. Pour critiquer des documents manipulateurs, il ne faut pas utiliser un argument d’autorité (par exemple, « je suis ukrainien, je sais mieux que vous »). Appuyez-vous sur les faits analysés et indiquez des spécialistes locaux. Ainsi, la discussion sera plus riche.
4. N’ayez pas peur de défendre votre position, même si les médias les plus puissants du monde affirment le contraire. Certes, ils ont souvent des décennies d’expérience dans le développement des normes journalistiques, mais ces normes ne sont souvent pas adaptées à la guerre de l’information actuelle : ces médias ne peuvent faire autorité dans tous les domaines.
Dans les guerres technologiques modernes, la victoire ne se gagne pas seulement dans les tranchées, mais aussi sur le front de l’information et de la culture. Cela peut être un marathon épuisant, il faut donc rester vigilant, faire preuve de souplesse émotionnelle et professionnelle. […] Chaque mot diffusé affecte le cours de la guerre et donc la vie de centaines de milliers de personnes ».
12 août 2024
Annexe :
THE WAR OF NARRATIVES : UKRAINE’S IMAGE IN THE MEDIA
О. Davlikanova, А. Kostenko et al – Kyiv : LLC « Vistka », 2023.
Le résumé ci-dessous d’un rapport de 146 pages fournit une idée des récits sur l’Ukraine diffusés dans les médias de masse entre 1991 et 2022. La publication de ce rapport a été conçue pour aider les chercheurs, les journalistes et la communauté des experts à développer une compréhension plus approfondie des récits qui ont façonné l’image de l’Ukraine dans les pays occidentaux, russes et ukrainiens au cours des dernières décennies. https://library.fes.de/pdf-files/bueros/ukraine/20607.pdf
Résumé
Dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et le soi-disant « Occident collectif », les médias constituent une force réelle et efficace, voire une arme. Pour atteindre ses objectifs politiques et militaires, la Fédération de Russie utilise activement des campagnes d’information « asymétriques » pour déformer intentionnellement les faits et diffuser de fausses informations dans le but de manipuler et d’influencer la conscience des populations et de façonner les processus politiques. […]
Afin de diffuser des récits sur l’Ukraine qui créent une fausse impression du pays auprès du public, la Fédération de Russie utilise tout un ensemble de canaux d’information et de communication. Leur tâche principale est de remplacer les idées d’un public ciblé sur la situation réelle par des idées considérées comme plus bénéfiques pour le pays agresseur. […] En fonction des tâches et des résultats des opérations visant à influencer la politique intérieure de l’Ukraine et son image auprès du public occidental, les récits russes ont évolué d’une présentation des Ukrainiens et des Russes comme des peuples « frères » à la nécessité d’exterminer complètement les « nationalistes ukrainiens et les nazis » ; ou au déni de l’existence même des Ukrainiens en tant que groupe ethnique distinct ; ou bien encore au « nécessaire retour » des prétendus « territoires historiques de la Russie » et à la promotion de l’idée que l’Ukraine n’a jamais vraiment été un pays indépendant ou qu’il est la conséquence d’une « erreur historique ».
Les récits de la propagande russe s’entrelacent, se renforcent, se contredisent parfois. Mais quel que soit le discours, son objectif principal est de saper le développement démocratique de l’Ukraine, d’affaiblir le désir des Ukrainiens de déterminer leur avenir en dehors de l’influence russe, ainsi que d’affaiblir les relations internationales de soutien à l’Ukraine. La campagne de désinformation du Kremlin a conduit à l’émergence d’un certain nombre de stéréotypes qui ont influencé la prise de décision des partenaires de l’Ukraine au début de l’invasion à grande échelle, laquelle a entraîné de nombreuses victimes, la destruction partielle de l’économie et des infrastructures, une véritable menace pour l’intégrité territoriale et la souveraineté du pays. Heureusement, l’Ukraine a persévéré. Un peuple tenace continue sa lutte.
Extraits de l’introduction
« […] Souvent, les récits sont un moyen de construire du sens, d’interpréter la réalité et d’expliquer ou de justifier les politiques nationales et étrangères. […] Ils peuvent aussi être utilisés à des fins de manipulation, pour créer une réalité imaginaire et devenir un outil de désinformation et de propagande. Lors d’une réunion avec une délégation internationale, Vladimir Poutine a déclaré : « Goebbels a dit : plus un mensonge est incroyable, plus vite on le croira. Et il a atteint ses objectifs, c’était une personne talentueuse » [20]. Inutile de le dire : l’utilisation de tels « talents » a conduit à la commission de certains des crimes les plus terribles contre l’humanité. L’histoire se répète et le pays (et son prédécesseur, l’Union soviétique) s’y est consacré. Le fait de « s’approprier » la victoire sur le fascisme lors de la Seconde Guerre mondiale revient aux méthodes les plus inhumaines du passé. […]
Cette publication se concentre sur les récits clés concernant l’Ukraine qui ont été diffusés dans les médias occidentaux, russes et ukrainiens depuis que l’Ukraine a obtenu son indépendance. […]
Par conséquent, la publication est conçue pour aider toutes les parties intéressées à se libérer de l’emprise de la propagande russe et à séparer les mythes de la réalité pour permettre une idée politique plus éclairée concernant l’Ukraine, ainsi qu’à aider les Ukrainiens eux-mêmes sur la voie de la conscience de leur propre histoire.
Jean-Marc Royer- août 2024