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Un musée Jacques Chirac, 9 muses, de l’esthétique et des arts "occasionnels"



jeudi 21 juillet 2016,


Fulano


Culture Réflexions

En associant le nom de Jacques Chirac à celui du "Musée du quai Branly" (musée des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques ), les arts premiers jouissent désormais d’une nouvelle visibilité "publique", comme cela fut le cas pour l’art et la culture, augmentés d’un "Centre Pompidou" ou pour les éditions de la Bibliothèque nationale de France, conservées sur le "site François-Mitterrand".


- Au cours des évolutions des sociétés occidentales, les arts "nobles et reconnus" ont été ordonnés suivant des critères de pouvoirs, de classes, d’économie et mis sous la protection de figures et de divinités, comme s’ils étaient dictés par un ordre supérieur. Cette pratique, qui prend son origine dans l’antiquité grecque, établit une démarcation entre le mode du savoir et de la création : la "tekhne" et celui de l’action et de la pratique : la "praxis". Quand Athènes associe 9 Muses à des arts aussi variés que l’astronomie, la poésie ou à l’histoire, ce n’est pas leur pratique, mais leur "science" qui est mise sous des protections sacrées, figurées par les filles de Zeus et de Mnémosyne [1] Ainsi parrainés ces arts deviennent sacrés, renvoyant "les autres" à l’ordinaire, au commun.

Au moyen âge, les classification des Arts, considérés comme des activités professionnelles et du savoir, ne distinguaient pas les représentations "esthétiques" des sciences. Les arts sont regroupés en classes : rhétorique, grammaire, dialectique, mais aussi arithmétique, géométrie, astronomie et musique. Les arts mécaniques, considérés comme manuels, désignaient l’architecture, la sculpture, la peinture et l’orfèvrerie. Quant aux nobles arts, cela se référait au "simple fait" qu’ils étaient propres à la noblesse, à leur apprentissage à leur perfectionnement : maniement des armes, arts martiaux, équitation, chasse, jeux de paume, danse ou encore la stratégie et les échecs.

Après leurs élaborations en systèmes au XVIIIe siècle, puis leurs distinctions philosophiques au XIXe siècle, les arts subissent un double classement, entre expressivité et matérialité. On y recense par ordre : 1) l’architecture, 2) la sculpture, 3) la peinture, 4) la musique et 5) la poésie. Pour Hégel qui participe à cette distinction, "Ils forment le système déterminé et organisé des arts réels. En dehors d’eux, il existe, sans doute, encore d’autres arts, l’art des jardins, etc. Mais nous ne pourrons en parler que d’une manière occasionnelle " [2].


Au XXè siècle, aux arts précédemment référencés, quatre autres vont être ajoutés. 6 ) les arts de la scène (théâtre, danse, mime et cirque), 7) le cinéma (long, moyen et court métrage, séries télévisées et téléfilms), 8) les arts médiatiques (radio, télévision et photographie) et, 9) la bande dessinée, en attendant que le multimédia soit élevé au rang de 10ème art…



- Retour sur les arts "premiers". Cet adjectif de "premier" ne se réfère pas tant à une quelconque numérotation artistico-mathématique ou logique qui référencerait aussi bien les dessins de Lascaux que ceux de Jean-Michel Basquiat ou les bas-reliefs des temples d’Angkor, mais renvoie à une "catégorie" académique et méprisante, produit de la pensée occidentale judéo-chrétienne, qui pour marquer sa supériorité, qualifie ainsi "ce qui est produit par des sociétés appartenant à un "premier état qui ne connaît pas l’écriture et ne pratique ni la culture ni l’élevage ". Selon cette variante de l’adjectif "primitif" (synonyme "d’archaïque"), l’art premier, aussi appelé "ethnique" ne rentre alors pas dans les canons qui "suivraient les règles de proportions ou de dimensions permettant d’obtenir une beauté idéale", chers à Hegel …
Les premiers habitants de l’Océanie, les chamanes de l’Himalaya ou des aborigènes d’Australie n’avaient rien à faire de ces "boîtes" dans lesquelles Hegel rangeait l’esthétique ou de vitrines où leurs représentations artistique (au sens de la maitrise appliquée) seraient rangées. Elles sont les relations quotidiennes entretenues avec la nature ou les croyances.






[1Les 9 Muses de l’antiquité : Calliope : la poésie épique / Clio : l’histoire / Érato : la poésie érotique et lyrique / Euterpe : la musique / Melpomène  : la tragédie / Polymnie : la pantomime, la rhétorique et les chants religieux / Terpsichore : la danse et le chant choral / Thalie : la comédie / Uranie : l’astronomie et la géométrie.

[2Hegel in "Esthétique"