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Nicole Louvier, poète, romancière, chanteuse.



dimanche 22 avril 2012,


Bernard Gilles


Culture

Les marchands avaient cru la faire taire mais sa voix nous parle encore d’un autre présent, d’un autre futur.

Il est des êtres qui sans jamais parler de lutte des classes ni de révolution nous font entrevoir ce que pourrait être un autre futur, une vie entièrement différente. Une vie où il ne serait plus jamais question de marchandise ni de marchés financiers, une vie où l’on n’entendrait plus parler de crise monétaire, de chômage, de travail salarié, de richesse ou de pauvreté. Une vie vouée… à l’amour. A la beauté. A la musique. A l’écriture. Au chant des cigales dans les collines de Provence, aux amours éphémères dans les ruelles de Rome, à l’ombre des jalousies sur les murs blanchis à la chaux.
N’attendez pas de Nicole Louvier qu’elle nous dise les horreurs du monde contemporain : il suffit qu’elle nous chante les beautés de son monde à elle pour que nous mesurions tout ce qui les sépare.
Elle fut poète, romancière, chanteuse, auteur-compositeur, tendre et mordante à la fois, rêveuse et dure. Femme, elle aimait les femmes, ce qui à l’orée des années cinquante ne se disait guère à haute voix. Sa guitare à la main, elle fut la première à chanter ces amours-là en scène et au disque.
Née en 1933 de parents juifs polonais réfugiés à Paris, elle sera cachée pendant la guerre chez des paysans bretons et débutera à vingt ans une carrière musicale qui en fera rapidement une vedette. Toujours à vingt ans, elle publie un beau roman, Qui qu’en grogne, puis un autre, les Marchands, où elle dénonce la férocité du show business, ce qui lui vaudra l’inimitié tenace de ce milieu. Elle publie d’autres romans, des recueils de poèmes, sort plusieurs disques, fait des tournées dans le monde entier, réalise des émissions de radio et… cesse brusquement toute apparition publique. Elle alterne ensuite des séjours en Israël et en France et meurt en 2003.

Femme de cœur et d’intelligence, amoureuse inlassable, elle tend pour nous le fil qui mène aux étoiles.
Tu voulais, Nicole, que les enfants des temps futurs te réveillent après ta mort, une heure, une seconde pour que tu puisses les voir.
Alors éveille-toi et regarde, écoute : ils inventent d’autres musiques, ils frémissent de colère et d’amour, ils tissent le linceul du vieux monde et forgent un Autre Futur.


Peuple des artistes

Peule des artistes
Mon peuple roi
Pour toi
J’ai grande tendresse

Les plus petits de mon royaume
Ont besognes de lumière
Tous ont appris la manière
D’escamoter les crépuscules
Et le chemin des funambules
Est mon chemin
Peuple des artistes
Mon peuple roi
Pour toi
J’ai grandes tristesses
Peuple assailli de faims superbes
N’oublie pas
Qu’on s’ennuie beaucoup aux tables des princes
Préfère le pain des poètes
Réclame-toi non de ceux qui t’achètent
Mais de l’herbe
Des temps
D’un rêve en marche comme un océan
Par tempête
Je t’aime
Tu règnes Nul n’y peut rien En tes veines
Coule le sang bleu des poètes
On s’ennuie beaucoup aux tables des princes
N’oublie pas
Que tu es d’une autre noblesse
Peuple des artistes
Mon peuple roi
Pour toi j’ai grandes faiblesses

Les plus petits de mon royaume
Dressent les enfants du voyage
A se risquer dans les nuages
Le long d’un fil de porcelaine
Et le chemin où ils m’entraînent
Est mon chemin
Peuple des artistes
Mon peuple roi
Pour toi
J’ai grande tendresse


Deux disques de Nicole Louvier sont disponibles chez ILD.
Un beau site lui est consacré : http://www.adamantane.net/hebergerie/nicole_louvier/index.html