Accueil > Lectures > Jours de destruction, jours de révolte. Chris Hedges & Joe (...)


Jours de destruction, jours de révolte. Chris Hedges & Joe Sacco



samedi 5 janvier 2013,


Lucie Heymé


Culture Réflexions

Dans leur BD reportage le journaliste Chris Hedges et le dessinateur Joe Sacco nous emmènent dans les réalités sombres des États-Unis où survivent les laissés pour compte du capitalisme triomphant.

Parce qu’ils ont semé le vent, ils moissonneront la tempête. (Osée 8.7)

La BD s’ouvre par cette citation de la Bible, celle-là même sur laquelle jurent les états-uniens fières de leur devise : "In God we trust".
Mais ce n’est pas la Bible qui est illustrée dans ce livre où Chris Hedges et Joe Sacco, au travers de textes et de dessins, ont voulu "décrire la vie de ces habitants écrasés par les lois d’un marché débridé ; dépeindre ces zones où êtres humains et milieu naturel sont laissés à l’abandon après avoir été exploités pour en tirer un maximum de bénéfices ; rendre compte de l’impact du capitalisme sauvage sur les familles, les travailleurs, les communes et les écosystèmes." (extrait de la préface de Chris Hedges).

En cinq lieux et cinq chapitres, tantôt illustrés, tantôt rédigés, ils présentent, via des témoignages, les raisons de la colère qui ont mené à Occupy Wall Street en 2011.

Chapitre I
- Le temps des spoliations. Pine Ridge. Dakota du Sud

Racisme, chômage pour près de 80% de la population, alcool, drogue, incarcérations, règlements de compte, corruption sont le quotidien de la population amérindienne, résignée à nier sa propre identité culturelle et dont les maigres allocations servent à acheter des cannettes de bières. Pourtant, les traités signés avec les blancs étaient clairs qui leur garantissaient de pouvoir vivre sur leurs terres. Mais la colonisation, la soif de l’or et le gouvernement américain n’a cessé de revenir sur ses promesses.

Chapitre II
- Jour de siège. Camden. New Jersey

À Camden, dans la banlieue de Philadelphie, il est encore question de chômage, de pauvreté, d’insalubrité des logements, de gens à la rue, d’alcool, de drogues, de guerre des gangs. Arrivés en 1960, les grands industriels ont depuis délocalisé et la ville désertée a laissé la population livrée à 60% de chômage et aux emplois précaires… "À Camden, le monde est divisé entre proies et prédateurs. Plus vous êtes faible – immigrés illégaux, familles déshéritées – plus il y a de vautours qui rôdent autour de vous ".

Chapitre III
- Le temps de la destruction. Welch. Virginie occidentale

Une ancienne ville minière située au cœur des Appalaches. Les firmes qui exploitaient le charbon y imposèrent leur diktat sur les élus, mais aussi sur la population, tributaires des grands patrons. La région fut prospère, mais les délocalisations et la mécanisation du travail ont apporté le chômage. À une demande d’emploi dépassant l’offre et qui permet aux industries d’imposer des conditions de travail draconiennes, s’ajoutent les ravages causés par les carrière d’extraction à ciel ouvert, détruisant l’écosystème de la région à une vitesse vertigineuse. Des groupements tentent d’obtenir le soutien de l’opinion publique… en vain.

Chapitre IV
- Le temps de l’esclavage. Immokalee. Floride

Et puis la Floride, à Immokalee. Dans cette région d’exploitants agricoles, les travailleurs clandestins venus du Mexique ou du Guatemala sont sous le joug des contremaitres. Fidèle à des valeurs qu’elle entretient depuis près de deux siècles, la Floride est le bastion de l’esclavage par le travail. Les ouvriers agricoles, généralement des clandestins, sont contraints d’accepter des conditions de travail effroyables. Coups, harcèlements sexuels, violences verbales, salaires de misère, journées de travail de 14 heures… certains sont même séquestrés dans des hangars dès la fin de leur journée de travail, afin qu’ils ne s’échappent pas durant la nuit et qu’ils soient en mesure de reprendre leur poste dès les première heures du jour…

Chapitre V
- Jour de révolte. Liberty Square. New York

Dans tous ces lieux, des gens combattent les agissements des industriels et des politiques. C’est le pot de terre contre le pot de fer. A Immokalee cependant, des individus se sont rassemblés. Le syndicat de « La Coalition des travailleurs d’Immokalee » met à la disposition de ses membres (les rares ouvriers agricoles qui acceptent de rejoindre le mouvement et de témoigner) des juristes et des aides financières. Le mouvement s’inscrit dans la veine de celui d’Occupy lancé en septembre 2011 par les Indignés.
Joe Sacco et Chris Hedges sont allés à New York pour rencontrer des manifestants et soutenir cette action. Outre les nombreux témoignages contenus dans cette partie, Chris Hedges se dresse ouvertement contre les pratiques capitalistes, contre les agissements de l’État-entreprise, contre cette politique de profit qui creuse un fossé de plus en plus large entre le 1% de privilégiés et le reste de la population.


En refermant ce livre, au "parce qu’ils ont semé le vent, ils moissonneront la tempête" résonne le "qui sème la misère, récolte la colère"… !!