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Hommage à Agustin Garcia Calvo



lundi 5 novembre 2012,


AutreFutur




Ce camarade libertaire espagnol (professeur d’université et linguiste) nous a quitté le 1er Novembre. Il est déjà corseté et momifie dans la presse ("ABC" et "El País") comme une sorte de "penseur isolé, entouré d’érudition et de recherches peu accessibles".

Voici quelques extraits d’une interview assez récente(La Opinión, Zamora, 10.07.011)


Dans votre allocution à la Puerta del Sol [19.05.11], vous rappeliez aux jeunes le mouvement de mécontentement que vous avez vécu il y a plus de quarante ans...
Le plus vivant et ce qui a le plus de valeur dans cette rébellion de gens moins formés –les appeler jeunes me semble du fascisme- c’est que ceux qui ont commencé cela ne savaient pas ce qu’ils faisaient. L’important est qu’ils n’obéissaient pas à des plans prévus, mais que ça leur venait de plus bas, d’un mécontentement contre le régime du bien-être, celui que nous subissons et qui nous fait souffrir ces dernières années. La suite a penché vers le désir de faire quelque chose de réel et de réaliste obéissant aux mêmes méthodes et trucs que le régime lui-même utilise normalement. Tant et si bien que les assemblées cessent d’être libres et innombrables et deviennent des congrès et des parlements de ceux qui commandent. Mon attitude depuis lors a été, avec quelques uns d’entre eux [des indignés], de chercher à maintenir le sens originaire que j’ai salué le 19 mai, cette arrivée inattendue de la manifestation du mécontentement général.

Vous dites que le terme « futur » est un alibi du régime politique de notre époque, que proposez-vous comme alternative ?
 
_ Ce n’est pas un alibi c’est un besoin. Essaie de t’imaginer l’argent fonctionnant sans futur ou un État qui consisterait en autre chose que la planification et la prévision. Il ne s’agit pas d’un alibi, c’est une nécessité pour le maintien de cet ordre qui consiste à changer pour continuer à faire la même chose. Quand quelque chose d’en bas, du Peuple, se soulève contre eux, il est évident qu’on ne peut pas envisager un quelconque futur. Pour pouvoir faire quelque chose, il faut l’inventer et le trouver, sans l’avoir prévu. Les mécontents ne peuvent pas utiliser les trucs de la démocratie : ni se compter, ni voter pour eux-mêmes, ni avoir le succès des grandes manifestations qui plaisent à la télévision.
 

Ne croyez-vous pas qu’ils sont sûrs de pouvoir changer le systeme politique actuel...
 
Il ne s’agit pas de croire, la foi appartient au régime. Dans l’antiquité c’était la foi religieuse et la foi actuelle c’est l’argent, l’ordre et la démocratie. Chez les gens d’en bas, ce qui se passe c’est qu’il y a une dissidence d’attitudes entre ceux qui se rassemblent dans les assemblées. D’un côté, une majorité qui va tendre à marquer un but et un futur, et organiser des manifestations et des choses comme ça. De l’ autre, on continue à sentir que ce n’est pas survenu pour obtenir des revendications du pouvoir.
 

Au jour d’aujourd’hui pensez-vous que la révolution 15-M a servi à quelque chose ?
 
_ S’il a servi à quelque chose ? Évidemment. Entre autre, la répercussion qu’il a eu dans le monde développé structuré par la démocratie, au Danemark, à New York... Ça a servi à démontrer que ce n’était pas une "petite chose" espagnole et une réclamation contre un règlement du travail, mais autre chose qui allait plus à fond. Une rébellion contre le régime du bien-être [pas] sans plus, [mais dans son] entier. C’est ce qu’il a mis en relief et ça ne s’efface pas. Cela n’est pas mort. Ce jeudi dernier je suis retourné pour tenter de maintenir le sens originaire du mouvement avec d’autres personnes.
 Le mouvement spontané qui a surgi, va-t-il renverser le régime dont vous parlez ?
 Ne me demandes pas de faire des prophéties... Le spontané est équivoque. Ça n’a pas été spontané, ça a surgi du ras le bol de ce régime. C’est sorti de ce qu’on appelle le peuple, qui n’existe pas, grâce à cela nous ne sommes jamais tout-à-fait contents. Ça doit continuer à surgir face à un régime où l’État et le capital se confondent. L’important est que dans les rébellions contre le régime il ne peut y avoir de réclamations particulières, c’est vers sa chute qu’on va. Bien entendu ça ne va pas se faire du jour au lendemain et il n’y a pas de raison de l’espérer, il ne reste donc qu’à continuer patiemment, en essayant de découvrir les tromperies de la démocratie, car la première action c’est contre cette foi nécessaire au capital et à l’État.





Source : www.editoriallucina.es/cms/agustin-garcia-calvo/entrevistas/el-movimiento-15-m-debe-perder-el-miedo-para-acabar-con-la-democracia.html