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Faut-il invoquer Roch, Rosalie ou Sébastien pour se protéger des épidémies et du coronavirus ?…



jeudi 12 mars 2020,


Lucie Heymé


Humeur International Réflexions

Avec le Coronavirus, les prophéties et les croyances religieuses se propagent aussi…

Le coronavirus suscite les craintes d’une apocalypse biblique chez certains chrétiens, à l’égal des Dix Plaies d’Égypte [1]. Pour Joel Rosenberg [2], qui se réfère aux prévisions de l’Ancien et du Nouveau Testament "il est prudent de dire que les prophéties de la Bible se déroulent en ce moment".

Et d’autres chrétiens sont invités à prier des saints pour conjurer le COVID-19 :
- Saint Roch : Invoqué dès le Moyen Âge pour contrer le fléau de la peste, les grandes catastrophes, les tremblements de terre, les épidémies et les maladies très graves, son "pouvoir protecteur multi carte" s’étend également au bénévolat.
- Sainte Rosalie : Alors qu’en 1625, Palerme souffre d’une terrible peste, des habitants défilent dans la ville avec ses reliques. Et la peste disparaît alors miraculeusement.
- Saint Sébastien : Les prières médiévales qui lui sont adressées évoquent presque toutes l’arrêt de l’épidémie de peste qui lui est attribuée en Lombardie. On le prie aussi contre la paralysie, les fièvres et les maladies contagieuses.
- etc…



En 1913, réfutant les excuses "divines", le Dr JB-A Smester, qui n’était sans doute pas un médecin "bon chrétien" [3], publiait dans "L’Aurore Médicale" un article intitulé L’offrande. Il y expliquait comment des rites religieux étaient des propagateurs de maladies et s’interrogeait sur la nécessité de supprimer ces coutumes dangereuses…

L’offrande

"Si l’on disait à quelqu’un qu’il commet journellement et inconsciemment, sans doute, des inoculations mortelles, ce quelqu’un protesterait avec force. Eh bien ! tous les jours, des inoculations, tout au moins des tentatives d’inoculations, sont faites par des hommes, qui seront, j’en suis certain, fort étonnés de l’apprendre. Dans toutes ou presque toutes les paroisses de France, on pratique l’« offrande ».

Cela consiste, en quelques mots, à faire embrasser le dessous d’une sorte de petite assiette en vermeil, par tous les assistants de certaines cérémonies religieuses. Après chaque baiser, déposé plus ou moins sérieusement sous cette assiette, le prêtre, qui la présente, essuie avec le même linge, le baiser - la salive - du dernier fidèle, avant de la présenter au baiser du nouvel arrivant, et ainsi de suite.
De cette façon, si un cancéreux, un tuberculeux ou un avarié laisse un peu de sa salive sur cette assiette - et c’est ce qui a lieu - tous ceux qui viendront après y apposer leurs lèvres, pourront d’autant plus facilement contracter la maladie, que le prêtre n’enlève aucun germe, à aucun moment. Il se sert toujours de la même assiette, et du même linge, pour autant de fidèles que renferme l’église. Comme l’assiette est ensemencée de germes, comme le linge qui l’essuie en est chargé à son tour, le geste du prêtre a pour conséquence de disséminer ces germes sur toute la surface de l’assiette. Le danger grandit, de cette façon, au fur et à mesure que les baisers se multiplient.
J’ai vu plus de trois cents personnes aller ainsi embrasser la patène. Parmi elles, un grand nombre toussait. Et, à voir leurs pommettes saillantes, leurs yeux caves, leur poitrine étriquée, on pouvait soupçonner des tuberculeux, même sans les avoir auscultées. J’ai vu au moins trois cancéreuses aller poser pieusement et énergiquement leurs lèvres sur cette assiette. Et parmi ces trois cents fidèles, pourrait-on affirmer qu’il n’y eut aucun avarié ? Certes, le prêtre qui commet un tel acte, pousserait de hauts cris, si on lui disait qu’il propage des maladies contagieuses et graves. Cependant, rien n’est plus exact. J’ai voulu m’assurer si cette coutume n’existait que dans les églises de campagnes ou de petites localités, et je suis allé me rendre compte, par moi-même, de ce qui se passait dans plusieurs grandes villes, et même à Paris.

Il est triste de dire que cela se pratique dans presque toutes les églises de France. Ne serait-il pas temps de supprimer une coutume aussi dangereuse ? Je suis persuadé qu’il aura suffi d’attirer l’attention sur ces habitudes funestes, pour qu’on prenne les mesures nécessaires, et qu’on les remplace par des pratiques moins meurtrières.

Dr SMESTER." - L’Aurore Médicale, 15 novembre 1913 -



[1Désignation courante d’un épisode de la Bible (Exode, 7-12) au cours duquel Yahvé inflige dix fléaux à l’Égypte pour contraindre Pharaon à libérer le peuple des Hébreux retenu en esclavage : l’eau du Nil et de toute l’Égypte se changea en sang ; les grenouilles infestèrent le pays ; les grains de poussière se transformèrent en moustiques ; la vermine envahit le pays ; le bétail fut décimé par une peste ; des ulcères s’abattirent sur les Égyptiens et leurs animaux ; la grêle détruisit la plupart des récoltes ; les sauterelles dévorèrent ce qui avait survécu à la grêle ; les ténèbres recouvrirent le pays.

[2Romancier chrétien, auteur à succès du New York Times . https://en.wikipedia.org/wiki/Joel_C._Rosenberg.
Il interprète aussi divers textes bibliques tels qu’Ezéchiel 38, prédisant une guerre imminente dans laquelle l’Iran s’alliera à la Russie pour attaquer Israël.

[3Originaire d’Haïti, il professa à Paris la médecine et la recherche médicale, fut un collaborateur de Louis Pasteur, un ami d’Alexandre Dumas et d’Émile Zola