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Béatitude pour un monde babélien



dimanche 3 avril 2005,


Fulano


Cyber Culture

Faut-il rappeler que la cybernétique vise explicitement un ordre planétaire des choses et des formes de comportement universelles ?

Qu’en est-il de cette conception "d’intelligence individuelle ou collective" réunie voir magnifiée au travers d’un "réseau" ?

Pierre Lévy (titulaire d’une chaire de recherche du Canada en Intelligence Collective à l’université d’Ottawa. Un des principaux objectifs est de constituer une nouvelle couche sémantique du Web permettant de visualiser les processus d’intelligence collective à partir des données circulant dans le cyberespace.) dévoile sa pensée lorsqu’il écrit :

"Dans le cyberespace, chacun est potentiellement émetteur et récepteur dans un espace qualitativement différencié, non figé, aménagé par les participants, explorable. Ici, on ne rencontre pas les gens principalement par leur nom, leur position géographique ou sociale, mais selon des centres d’intérêt, sur un paysage commun du sens ou du savoir. " (...)

Politisant son approche communautaire, Pierre Lévy publiait dans le Monde Diplomatique d’octobre 1995 un article intitulé : " Pour l’intelligence collective ".
Il voit dans les nouvelles technologies de la communication et de l’information, l’occasion d’un nouvel élan pour la participation civique des citoyens. Sa thèse annonce, grâce aux performances du multimédia, une nouvelle étape du projet républicain garantissant "l’accès de tous au savoir ”.

"Au regard d’une économie globale de l’humain, le chômage, l’exclusion, l’enfermement des activités salariées dans de trop étroites limites, l’absence de participation des citoyens aux décisions qui les concernent, ainsi que les cloisonnements administratifs ou disciplinaires, représentent autant de gaspillages inacceptables. Alors qu’on ne laisse dormir aucune ressource économique ou financière, que les administrations et les entreprises resserrent impitoyablement leurs budgets et que, enfin, quelques grands principes écologistes font lentement leur chemin dans les esprits, poussant à refuser les dilapidations d’énergie et à recycler les matériaux, des sources précieuses de richesses demeurent gâchées sans compter : en particulier, des compétences humaines."

"Le cyberespace manifeste des propriétés neuves, qui en font un instrument de coordination non hiérarchique, de mise en synergie rapide des intelligences, d’échange de connaissances et de navigation dans les savoirs. Son extension s’accompagne d’une rupture de civilisation rapide, profonde et irréversible. Mais le sens de cette rupture n’est ni garanti ni univoque. Pourquoi ne pas saisir ce moment rare ou s’annonce une culture nouvelle pour orienter délibérément l’évolution en cours ? À raisonner en termes d’impact, on se condamne à subir. La technique propose, mais le citoyen dispose. Cessons de diaboliser le virtuel (comme si c’était le contraire du réel !). Le choix n’est pas entre la nostalgie d’un réel daté et un virtuel menaçant ou excitant, mais entre différentes conceptions du virtuel. L’alternative est simple. Ou bien le “ cyberespace ” reproduira le médiatique, le spectaculaire, la consommation d’informations marchandes et l’exclusion à une échelle encore plus gigantesque. C’est, en gros, la pente naturelle des “ autoroutes de l’information ”. Ou bien nous nous mobilisons en faveur d’un projet de civilisation centré sur l’intelligence collective : recréation du lien social par les échanges de savoir, reconnaissance, écoute et valorisation des singularités, démocratie plus ouverte, plus directe, plus participative. Les Arbres de connaissances sont une illustration pratique de ce projet. Il s’agit d’une méthode informatisée pour la gestion globale des compétences dans les établissements d’enseignement, les entreprises, les bassins d’emploi, les collectivités locales et les associations..."

Faut-il donc rappeler que la cybernétique vise explicitement un ordre planétaire des choses et des formes de comportement universelles ? En tant que mise en ordre du monde, elle constitue la forme moderne la plus sophistiquée de pouvoir et de domination, parce que rationnellement légitimée.Ce que mettent en place les adeptes de la cybernétique n’est rien de moins qu’un monde babélien où tous les hommes parleront le même langage. Et on sait ce qu’il est advenu de Babel...

Fulano De Tal