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Antonio Martín Bellido, une vie digne d’être connue.



mercredi 24 août 2016,


Frank


Culture Europe

Antonio Martín Bellido, 11 février 1938 Madrid – 17 août 2014 Paris


Fils d’un militant de l’Union générale des travailleurs (confédération socialiste), réfugié
en France en 1939, envoyé au camp de concentration de Saint-Cyprien, puis dans des
compagnies sur la ligne Maginot.
Antonio, accompagné de sa mère, arriva d’Espagne et connut son père en 1949 à
Strasbourg. C’est dans cette ville qu’il fit ses études de technicien dans l’électricité, puis il
s’installa à Paris et devint ingénieur informaticien jusqu’à sa retraite en 1998.

Antonio a commencé à militer dans les Jeunesses libertaires à Paris et en 1962 il a été
nommé secrétaire de la Fédération locale de Paris. Partisan de l’action directe contre le
franquisme et militant de l’organisation clandestine “Defensa Interior” [1], il a participé à une série d’attaques en France et en Italie.
Pour les Jeunesses libertaires, il s’agissait de faire prendre conscience sur le plan international de la nature du régime espagnol. La cible était le tourisme en Espagne de millions de Français, Allemands, Belges, etc., qui représentait une manne financière à la dictature. Une action symbolique, réalisée par Antonio et Paul Desnais (militant anarcho-communiste français décédé cette année), qui eut une grande portée, a été l’explosion d’une bombe de cent grammes qui explosa en août 1962 au “Valle de los Caídos”. Littéralement « la vallée des soldats morts au combat », une immense construction, où est enterré José Antonio Primo de Rivera, fils de dictateur et le plus célèbre dirigeant du fascisme en Espagne, fusillé à Alicante, dans la zone républicaine, le 20 novembre 1936. Cet attentat, en fait un pétard, visait à dénoncer le symbole que représente ce monument qui contient des restes de soldats nationalistes (nommés factieux par les républicains) et des soldats de la République. Ces derniers y ont été placés sans consultation des familles.
Les travaux ont été réalisés principalement par des prisonniers “rouges”, une main d’œuvre esclave.
La police franquiste rendit responsable de cet acte Francisco Sánchez Ruano, qui fut condamné à 25 ans de prison. Antonio se déclara coupable en communiquant sa déclaration à l’ambassade d’Espagne pour entraîner une révision du procès de Sánchez Ruano. Cela ne se
fit pas.
En juillet 1963, Antonio et Sergio Hernández firent un attentat contre le siège de la
Direction générale de la Sécurité à Madrid et, également à Madrid, un autre contre les locaux
de la Délégation nationale du Mouvement, comprendre le syndicat unique obligatoire
regroupant patrons et employés, selon le système de Mussolini (et également de Domingo
Perón en Argentine).
Ces deux attentats très médiatiques et repris par la presse franquiste entraînèrent pour le
gouvernement franquiste la nécessité de trouver et de châtier des coupables.
Deux militants des Jeunesses libertaires, Francisco Granado Gata et Joaquín Delgado Martínez, qui n’avaient rien à voir avec ces deux actions, mais qui préparaient contre des personnalités du régime furent arrêtés ; après un procès express et des pseudo-preuves, ils furent condamnés à mort par le garrot (une peine infamante réservée aux pires délinquants de droit commun) le 17 août 1963. La presse française fut pratiquement muette : en août, les
journalistes sont en vacances, comme c’était le cas de quelques dirigeants socialistes français
résidant dans des hôtels espagnols.
En juillet 1963, le militant communiste Julián Grimau (prononcé Grimaou) avait été condamné à mort par fusillade, après une campagne internationale de protestation très active. Il y eut même un échange de télégrammes polis entre Nikita Khroutchev et le « Caudillo » quelques jours avant l’exécution. La famille de Grimau a toujours considéré cette arrestation et l’exécution qui s’ensuivit comme un règlement de comptes au sein du PC espagnol. Grimau n’était pas dans la ligne imposée par le secrétaire général Santiago Carrillo, futur « démocrate » durant la transition du roi Juan Carlos (qui vient d’abdiquer, à cause de scandales à répétition).
Antonio et Sergio Hernández déclarèrent publiquement par la suite être les auteurs de
ces deux attentats. Antonio défendit sa position y compris devant la Justice espagnole de la
Transition. Outre la réparation morale de Francisco Granado Gata et Joaquín Delgado
Martínez, la dénonciation de la parodie de justice du franquisme, et aussi les liens intimes
entre la justice de la Transition et les actions franquistes, un autre but était d’obtenir une
pension pour la famille de Granado.
Cette campagne, relayée par la CGT(-e), confédération anarchosyndicaliste espagnole, finit
par réussir.

Souffrant d’un cancer du pancréas, Antonio est décédé à Paris le 17 août 2014. Antonio,
tout aussi préoccupé par le statut de la science dans la société actuelle que par l’entretien de
l’électricité et du chauffage du local de la CNT rue des Vignoles à Paris, a toujours été
modeste et en quête d’une action anarchosyndicaliste limpide et constructive.
La revue « Les Temps maudits revue théorique de la CNT-Région parisienne » a publié des articles d’Antonio qui ne les proposait à la publication qu’après s’être sérieusement informé. Antonio a communiqué au site fondation-besnard des informations juridiques en
castillan sur l’évolution juridiques de ses plaintes, ainsi que sa recherche sur la mission exacte
de Francisco Granado Gata et Joaquín Delgado Martínez et les circonstances de leur
arrestation.

Frank Mintz et des informations de la CNT de Puerto Real et de Joan Busquets,
17.08.14.

Source : http://www.fondation-besnard.org