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Années 70, quand le sud de Paris vivait "à l’heure alternative"



samedi 6 janvier 2018,


Imbert Robert


Culture Humeur Social

14ème : Rue de l’Ouest, Rimbaud et la "Radiale"

Milieu des années 1970. Dans le sud de la capitale, le quartier compris entre les rues de l’Ouest, Raymond Losserand, du Moulin Vert, du Château est voué à une rénovation urbaine de grande ampleur. C’est l’époque du "tout automobile". Le premier ministre Georges Pompidou, soutient le projet d’un maillage d’autoroutes urbaines [1] : "La Radiale". Pour le débouché de l’autoroute A10 devant arriver au niveau de la nouvelle gare Montparnasse, via la porte de Vanves et la rue Vercingétorix, le quartier doit "laisser la place"… Des immeubles abandonnés, des boutiques ou les Bains Douches sont "récupérés. Certains groupes sont dans une démarche alternative, avec une volonté de rénovation des immeubles, d’autres sont plus "associatifs". Ainsi, impasse Lebouis, l’équipe d’"Actuel" (principal périodique underground francophone), qui occupe un "élégant atelier d’artiste", construit en 1912, se bat aussi contre sa destruction. L’opération réussira et ce bâtiment abrite désormais la Fondation Henri Cartier-Bresson.




Sur les murs du quartier, comme à Charleville, Ernest Pignon-Ernest colle ses sérigraphies de "Rimbaud"… Après une large mobilisation des habitants et d’organisations politiques, dont les autonomes, "La Radiale" est abandonné en 1977, mais un nombre important de squats sont expulsés et murés. Le samedi 26 novembre 77, une manifestation contre les expulsions rassemble un millier de personnes dont 300 autonomes [2]. Des squats sont démurés et le rassemblement vire à l’émeute : le siège de la SEMIREP [3] et un car de police sont incendiés.



En réponse, les autorités adoptent la stratégie de pourrissement. Pour jeter le discrédit sur ces occupations auprès des autres habitants du quartier, elles laissent la drogue s’installer dans les différents squats pour inciter le maximum d’occupants à quitter d’eux-mêmes les lieux. Bon nombre de squats deviennent alors des repères de dealers et de toxicomanes dont les règlements de compte, de plus en plus violents, pourrissent le voisinage. Profitant de cette aubaine, la police n’a plus aucune difficulté pour procéder aux expulsions. Chassés du 14e arrondissement, la plupart des squatteurs migrent alors vers Belleville ou Stalingrad…


13ème : Rue Dunois, une aventure musicale s’installe

C’est dans un ancien relais de poste, qu’une poignée d’artistes et de militants d’extrême gauche, vont proposer de nouvelles aventures musicales. L’époque est ouverte à toutes les audaces, la culture et les arts acquièrent un droit de cité hors des académismes. La musique est le meilleur vecteur pour croiser les esthétiques, pour tenter les mélanges et le jazz s’affranchit de son héritage nord-américain en s’acoquinant avec les musiques du monde, le rock et les expériences sonores contemporaines … Très vite, le Dunois devient ce "grenier de la musique ", comme le qualifia le journaliste-reporter du journal Le Monde, Francis Marmande, où va se jouer l’avenir de la nouvelle musique à Paris. Public et musiciens s’y pressent pendant dix années, soir après soir. On pourra y rencontrer et écouter Steve Lacy, Jo Maka, Cheikh Tidiane Fall, Derek Bailey, Evan Parker, Tim Berne, Paul Motian, Henri Texier, Louis Sclavis, Annick Nozati, Joëlle Léandre, Sonny Sharrock, Mal Waldron, Irène Schweizer, Michel Portal, Monik Toebosch, André Jaume, Ernst Reyseger, Bill Laswell, Emmanuel Bex, Han Bennink, Elsa Woliaston, Jacques Coursil, Alan Hacker, Christine Jeffrey, Jac Berrocal, Pascal Comelade, Bernard Lubat, Daunik Lazro, George Lewis, Barre Phillips, Toshinori Kondo, Claude Barthélémy, Touré Kunda, Fred Frith, Peter Brötzmann, Günter Sommer, l’Arfi, l’IACP pour n’en citer "que quelques-uns"… [4]



Et Dolo (Dolores Cantes), l’âme de Dolo Music [5], Gérard Terronès, l’amoureux-militant du jazz [6] ou jean Rochard, producteur, directeur artistique du label Nato [7].


Tout comme pour le 13ème ou le 14ème, la gentrification a "remis" Paris au pas. On pourrait toujours poser des plaques commémoratives sur des lieux au passé plus ou moins glorieux, plus ou moins "énervé" du sud ou l’est de Paris, cela ne changera rien à l’affaire si l’objectif est de les muséifier…